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SOMMAIRE
v \\ - l.t» quatrième- cenlenaire d^alimis*an£ed<
n.hin. , Le* Protestants «lu Mo*» ctdésrB * «»tt t«t»iL pendant l'invasion du llauphiné. ; Isto^lém «icPhlUadc Lu iourilc Latlhuree ^^>'v( ' '^oy^ttj^gj
t v roeslçB iuédl t«a?"tlt> t^éiki45<|t . Ma rot .
monstre nouvellement haptizé ». ' ' . ;*..'■: T":'wJfilpB0E5H K' Unx t«A( ; 1 1 k n . ^ Décès de .pelify iés Ï!kMiiçais à Genève, de* UlHlta 171 0 •
p uk I Quand Bolsec comuieiiçait-Ui a eaiomuier
Calvlu? '^^P^^/:V^
Madamb ALKXA.iNj)R£ de Ch ambiu&h Evaluation de,.;^vï^ë^»;
et de» arliicinale*!rotwiaHieH eu usage dansiez paj *duïtefuge, 468M7i5^., . . . .^Wmm ÇâANCiw du 0)Hitk 24 novejnbre 1908. — janvier 1 $01) „
C H RON UTÏ É U AI NES?* ^
Th. Schojîll. La politique religieuse de la Ré^t^.u^anïfiî^iir.., cal se . ■ ' . -tl^lll
• K. Un mfi . — • Uugues - Vagariîiy-. . :l»e inariage honni par
Desportes, iouangé par Blanchon , le Gay nard, Rouspeau. '}'ai Schokll — Encore le 'mariage ,de Bosquet/ ^l^a coî Tipagnle du Saiiit-Sacrçmeut,. Henriette de Golign^
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.KSl'ONDANCE. ' . ./ '< >': W. Deux commémorations, à Marseillevetu Paris Jean Bianqî;i3. — Les huguenots au sud de l'Afrique
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Tue diL^châleauida la, Chn'nfai d$ la s^lw^^^^S]?^^^^ , l'invasion du J)auptiïn£ 4692 , if^ ^ KfjfâZ p.. 9, 19 &
:Tom ce qci concerne la rédaction ' du Bulletin ' -doit.' •'a^î^W'M.^%«lss,: secrétaire 5o<Ttte, 54, rue des Sa.nts-Pères, Taris; (VIIf>,. qui -rejulra Cornpte^er ^oiît oWtfé iniéreaaant kuter*,* dont deux exemplaires seront: déposé*, * cet* adressa Un s , iaire .doqnc .-droit^
«flnoncc suc cette couverture. ; .
Le iî«Wr/m parolt, tous , les deux- mois, ' en entiers! in-8" de 06 pages avec illustrations. Oa ■L3désàec^S é^en>P,'aB P 3nnee* TOUS lci,abonr,eme^, «aient du i" toier, «t doigta * Prix de Abonnement':-' 16 fh' pour, la FraVfcc; I* Alsace et la Lutraine/y-!^';-^^^^V'!'f';* rcrj — 6 /r.; pour les pasteurs, jn^ti tuteurs, • .èfe.', de France et de£rcofôhïé ,;Jes pasteurs Hè Vtt&hjp&:^£r;$if£.: d-V«' jyîn^i. y tri* rMWtfwwlKmÎH Ct pour les antres 'années, îklorr'Jfcur rareté. - - - '*ï^5tSP
V La voie la pjus 'écononnque et la plus sîtnpîe ponr le payement des' abattements «~ /-andat^arte au nom de. M . Tischbàçfiér^ .lib/aiie. rue de siW'^i^s^to M<:N. --sccx^atre-iresorief , . .54, Tue-d«sSaints-Péret>, faris- Y^«. ' ,v •
Vtus •nt^aawiMsv^^gaeè^x^ lectéàrt 4 évite* iou^temédimtwêmï?#l ' * ; nMdnwï9 çui JPab aoi*%*»jp» abomnembnxau- r s mars «eowM#L Snîw ° >VGMENTATTOM' *°ua.«aw;db REcouvRe>icjrt,-DE: r rn ^ciar- hrs départemenu f.i /t. joj
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RÉDACTION ET ABONNEMENTS ;
I
SOCIÉTÉ DE L'HISTOIRE
du
Protestantisme Français
Reconnue d'utilité publique par Décret du 13 juillet 1870
Hullelin
PARAISSANT TOUS LES DEUX MOIS
JL tudes, Documents, Chronique littéraire LVIIIe ANNÉE
SEPTIÈME IDE LA. 5e SÉRIE
Janvier-Février 1909
PARIS
Au Siège de la Société, 54, rue des Saints-Pcrcs
LIBRAIRIE FISCHBACHER (Société anonyme)
33, rue de Seine, 33
1909
SOCIÉTÉ DE J/HISTOIRE du
PROTESTANTISME FRANÇAIS
Le quatrième Centenaire de la naissance de Calvin, 1509-1909
L'année 1009 sera, dans l'histoire du Protestantisme, marquée par le quatrième centenaire delà naissance de Calvin. Le réforma- teur élan! mort à cinquante-cinq ans, près de trois siècles et demi nous séparent do l'œuvre qu'il accomplit dans l'espace de trente ans au plus, puisque la première édition de Y Institution date de I :;:;(!.
A première vue ce recul de trois siècles et demi paraît bien suffisant pour apprécier en toute impartialité et l'homme et son œuvre. Mais celle dernière a marqué d'une empreinte trop pro- fonde cl trop vivace la mentalité religieuse d'une partie considé- i ablc du monde moderne pour qu'on puisse compter sur un-juge- ment vraiment indépendant et surtout unanime, même parmi ceux qui se réclament d'elle.
Laissons de côté ceux qui continuent à honorer Calvin de leurs outlaws: ceux qui reconnaissent les services incomparables ren- dus par la Itét'orme calvinienne, mais font leurs réserves sur la Ihéoloiric du réformateur, ne sont-ils pas suspects à ceux qui ne distinguent pas «Mitre le fond et la forme de son œuvré cl refusent d'appeler « tils respectueux » quiconque s'écarte de l'enseigne- ment de leur père spirituel?
Le monument international ( I ) dont la première pierre sera posée à Genève, fera comprendre tout d'abord que personne n'a le monopole du respect dont nous entourons ceux qui, après (oui, nous ont donné l'exemple de la liberté avec laquelle nous les glorifions.
En outre, les manifestations diverses et multiples et surtout
l) On a bien voulu nous laisser espérer, pour noire prochain fascicule, une esquisse du projet définitif. Janvier-Février 1 000.
H LC QUATRIÈME CENTENAIRE DE LA NAISSANCE DE CALVIN
les publications qu'a déjà provoquées cet événement et qu'il pro- voquera encore, vont permettre à passablement de gens pour qui Calvin est plus célèbre que j»onnu, de rectifier leurs opinions à la lumière des faits et des textes. Les Français auront à leur dis- position la réédition — partielle pour commencer — de l'Institu- tion de 1511 (1), celle qu'on prépare, à Genève, de quelques opus- cules français du réformateur (2), et la traduction d'une biogra- phie condensée, objective et rédigée d'après les travaux les plus récents ( 3). En Allemagne va paraître une traduction deb70 lettres annotées et choisies de manière à former une biographie de Cal- vin écrite par lui-même (4), etc.
Taisons donc crédit à ceux qui voudront s'instruire — les autres ne comptent pas - et soyons persuadés que pour plus d'un adversaire — ou admirateur — se vérifiera une fois de plus la sagesse de cette parole, Magna est veritas et prsevalebit.
N. W.
(1) Celle réédition, page par page, «lu texte si important au point «le vue littéraire, de ['Institution de 1 " » 1 1 , entreprise grâce à In générosité de la mar- quise d'Arconati-Yisconti, se composera probablement de trois volumes, deux pour le texle lui-même et un troisième pour diverses introductions. Un espère qu'une partie du texte pourra paraître en 1 1)09 .
(2) C'est M. le pasteur K. Choisy qui prépare, au nom de la Compaguie des pasteurs, ce choix d'oeuvres françaises.
(3) Il s'agit de la biographie de Calvin par J\I. Williston Walker, professeur à l'université de ïale aux Étals-Unis.
(4) Cette traduction a été faite par M. le pasteur Rudolf Scliwarz avec le • concours de M. le professeur P. Wernle et paraîtra en deux volumes chez .1. C. B. Mohr (P. Siebeck) à Tùbingen.
Puisque nous venons de donner quelques notes bibliographiques, complé- tons celles que nous avons placées au bas de notre article sur Calvin, Servet, G. de Trie, etc., dans le Bulletin de 1908, p. 387-38S. — Ainsi que nous l'avons marqué dans Y Errata à la suite des Tables du Bull, de 1908, le dernier article cité, celui de M. II. D. Fosler, sur le programme de Calvin pour orga- niser à Cenèvc un Etat puritain, a paru dans The Harvard theological lieview d'octobre 1908. — Ajoutons trois articles, de l'abbé S. Coubé, sur Michel Servet, dans les Questions actuelles des 14, 21 et 28 novembre 190S, et une série de Notes à propos de Servet, par M.E. Doumergue, dans le Christianisme au XX" siècle, n,,s 48, 49, 50, 51, 52, 53 de 1908, et 1 et 2 de 1909. — Le même auteur avait pris la peine de réfuter, avec preuves à l'appui, dans la revue Foi. et Vie des 1er et 16 février 1908, les calomnies rééditées par M. Ch.Mcrki dans son article du Mercure de France du 1" oct. 1907 sur Jean Calvin et la Réforme protestante à Genève (voy. Bull. 1907, note de la page 138). — Enfin M. l'abbé J. Rouquelle a rédigé les fascicules 391 et 392 des Oiic$lions histo- riques publiées par Rloud et Cio en 1908, sous les titres suggestifs de Les victimes de Calvin et Les Saint-Barthélemy calvinistes, l'Inquisition protes- tante, 2 brochures de G4 p. in-12, chacune.
Études Historiques
LES PROTESTANTS DÛ DIOIS ET DES BARONNIES EN 1692 PENDANT L'INVASION DU DAUPHINÉ
La Légende de Philis de La Tour La Charce. Sauvetage d'une statue en détresse.
Pendant la Guerre de la Ligue tf Angsbourg, Louis XIV avant échoué dans son projet de rélablir les S lu arts sur le trône d'Angleterre, avait confié le commandement de l'armée d'Italie au maréchal de Câlinât. Ce général, sans naissance, ne s'était élevé qu'à force de mérite. Comme Yauban dont il élait l'ami, il joignait les vertus civiques aux qualités militaires et par sa tactique sage autant que savante rappelait Tu renne*
Pour amener le duc de Savoie Victor-Amédée 11 à une action décisive avant l'arrivée des troupes alliées, il ravagea les campagnes du Piémont, fit couper les arbres, arracher les vignes, incendier les villes et les villages. Le duc ne put se contenir devant ces effroyables dévastations qui font souvenir de celles du Palatinat : il livra la bataille de Staffarde près de Saluées (17 août i(>90) , où il perdit 4 000 hommes, pendant que les Français eurent à peine 500 morts. La Savoie, Nice et une partie du Piémont se trouvèrent en notre pouvoir. Mais les Alliés, après beau- coup de temps perdu, avaient enfin rassemblé leurs con- tingents. Un parent de Victor-Amédée, le prince Eugène, dont Louis XIV avait refusé les services et qui était allé les offrir à l'Allemagne, arriva avec de puissants renforts. Les Français durent reculer vers le Dauphiné.
La concentration des ennemis se fit sous les murs de Turin. Leurs forces se composaient, d'abord, des troupes du duc de Savoie avec leurs auxiliaires habituels, les com-
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ÉTUDES HISTORIQUES
]>aii,nios de partisansVaudois et les réfugiés français four- nissant quelques escadrons de cavalerie el plusieurs régi- ments d'infanterie, a la solde de l'Angleterre; — ensuite les Espagnols du Milanais, les contingents de Bavière et de l'Empereur qui avaient passé l'hiver dans la haute Italie, ou qui étaient venus à marches forcées du fond de l'Allemagne.
Il existe trois passages principaux que l'on suit habi- tuellement pour pénétrer du Piémont en Dauphinc : ceux du mont Cenis, du mont Genèvre et du col de Tende. Les Alliés, mettant Catinat en défaut, les laissèrent de côlé et suivirent le chemin pris en 1515 par François I" dans son expédition en Italie et qu'illustra la bataille de Marignan ; c'est-à-dire celui qui conduit de la vallée de la Durance dans la plaine du Pô, montant de Guillestre au col de Vars sur le contrefort qui forme la berge droite de la vallée de l'Ubaye, coupant cette dernière pour franchir la grande chaîne au col de Larche, descendant le long de la Stura et débouchant à Coni dans le Piémont.
Suze et Pignerol, clefs du mont Cenis et du mont Genèvre semblaient, au contraire, à Catinat devoir être pour son armée des points stratégiques de première importance ; il renforça leurs garnisons et se tint lui- même avec la majeure partie de ses troupes dans la va liée % de Pérouze comme dans un chemin couvert, prêt à mar- cher par sa gauche vers Suze, en passant par le col de la Fenêtre, et par sa droite vers Pignerol.
Avant le début des hostilités, Briançon fut réduite en cendres, par accident, le 26 janvier (1692). Bouchu. intendant-général du Dauphiné, écrivait au roi le 22 mars : « Le feu prit le 2(3 janvier dans le haut d'une maison située au milieu de la ville où était logée une recrue d'in- fanterie et il reste quelques soupçons que ces soldats menés par force, avaient pu y mettre le feu pour avoir une occasion de s'échapper. La ville a été brûlée en trois heures, moins l'église des Cordeliers (1).
(I) Afin de ne citer que des documents d'une authenticité absolue sur cette invasion et montrer la fidélité et le patriotisme inlassables des protestants du
ÉTUDES HISTORIQUES
Pendant que les ennemis faisaient leur concentration définitive, plusieurs compagnies isolées, détachées en avant-garde, se mettaient en route, pour franchir le col de Yars. Les routes étaient à ce moment de l'année presque impraticables : des montagnards seuls pouvaient
tenter une pareille entreprise. Le gros de l'armée, qui devait compter à la fin de juin 45 000 hommes, dont 10 000 de cavalerie, attendait un temps plus propice. Sous le commandement supérieur du duc de Savoie, géné-
Diois, des Baronnies et des Alpes, au moment où le grand roi s'acharnait à leur perte, nous reproduirons textuellement des extraits de la correspondance de Câlinât à Louis XIV, des lettres de l'intendant Boucliu, de l'évèque de Gap, du commandant du Diois, Durfort de La Boissière, du marquis de L irray, et les articles delà Gazette officielle qui donnent exactement les rapports de l'intendant et du maréchal au ministre Ppntchartrain et au marquis de Bar-
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ÉTUDKS HISTORIQUES
ralissime de vingt-sept ans, les Allemands avaient pour chefs le général Pallfy, le comte de Caprara ancien adver- saire de Turenne, et le prince Eugène de Savoie-Carignan qui fut un des plus grands hommes de guerre de la maison d'Autriche. Les généraux des Espagnols étaient De Leganez, gouverneur du Milanais, Commercy et de Louvigny. Les réfugiés français au nombre de 2 800 étaient commandés au nom de Guillaume III, roi d'Angleterre, par le comte de Schomherg, fils de l'illustre maréchal, exilé de France à la Uévocalion et qui avait été tué en Irlande. Il était le protecteur des Vaudois : ceux-ci l'entrés en grâce, depuis qu'on avait besoin d'eux, étaient 1500 et servaient de garnisons à leurs vallées.
Une première « escarmouche eut lieu contre les Barbets, le 20 février, dans laquelle le fameux capitaine Barnabar fut tué ». D'ailleurs, l'envahisseur étail plein de confiance; ses espions l'avaient mis au courant du petit nombre de troupes régulières dont disposait Catinat. Après avoir confié aux milices du Dauphiné le soin de garder Briançon, Seyne, Embrun, Gap et quelques autres petites places, il ne pouvait compter que sur 16 000 hommes. Aussi, Bouebu écrivait-il, le 10 mars, non sans inquiétude : « Notre faiblesse est connue des ennemis; ils eu profi- leront. Le maréchal n'a pas assez de troupes pour empê- cher d'entreprendre sur les Etats de Sa Majesté. »
Entre temps le marquis de Tessé, lé persécuteur des protestants du Diois et du Yalentinois, demandait à Bar- bezicux s'il verrait quelque inconvénient à laisser assas- siner le pasteur Arnaud, le héros de la Glorieuse rentrée] faisant remarquer combien cet événement jetterait de désarroi et de découragement parmi les Vaudois. Le Ministre de la Guerre répondit le 17 mars :
« Quant à ce qui (concerne) les gens dont vous vous servirez pour essayer de se défaire du ministre Arnauld, quoique je sois
bczieux : Archives nationales, G vu, 242, — Archives historiques du Minis- tère de la Guerre, 4 vol. in-f" n°" 1105, 1 160, 1107 et 1170 : Ordres du roi cl Lettres de Câlinai, etc.. — Le lecteur jugera ensuite de quel côté se trouvent la vérité, la bravoure et l'honneur.
ÉTUDES I11ST0IUQUKS
persuadé qu'il n'y a point d'iniquité en cela, cependant pour peu que vous en trouviez, je vous crois la conscience assez forte pour la supporter, sans qu'il soit besoin de vous en décharger sur per- sonne cl principalement à mon égard, qui me contente de ce que j'ai sur lu mienne.. . »
Ce fils dé Louvois avait vingt-quatre ans quand il tenait ce langage...
Doux autres persécuteurs des huguenots, Bouchu et le marquis de Larray essayaient d'indisposer Câlinât contre ceux qui habitaient près des territoires occupés par l'ennemi : un moment, la bonne loi du maréchal fut surprise, cl il dit au roi le 26 avril : « M. liouehu cl M. de Larray me donnent de grandes défiances des Nouveaux Convertis du Dyois et ils les trouvent capables de se sou- lever. J'envoie 100 dragons à Embrun. »
Les réformés de la province étaient si peu disposés à prendre les armes contre le roi, malgré les affreuses- ini- quités dont ils étaient victimes, qu'à ce moment même, ils s'enrôlaient pour marcher vers la frontière des Alpes. On lit, en effet, dans les Délibérations consulaires de la ville de Crest, des 3, 13 et 11 mai (1692) que le « pre- mier président du parlement de Grenoble ayant ordonné la levée de 70 hommes pour le service de Sa Majesté, la ville leur a remis des chapeaux, des sareaux de toile, des bas, des souliers, des ceinturons et des épées, ainsi que des fusils avec leurs accessoires ». On lit ensuite : « Depuis, il s'est présenté un si grand nombre de volontaires qu'on a été obligé d'emprunter sur la taille de 1093 pour les armer et les équiper ». Les Diois se montrèrent tout aussi patriotes que leurs coreligionnaires du bas de la vallée, puisque le duc de La Feuillade les félicita, le 17 dé- cembre 1703, ainsi que nous le verrons bientôt, de la fidélité et du courage qu'ils montrèrent, pendant cette formidable invasion.
Vers la fin de ce mois les compagnies d'avant-garde des Alliés entrèrent dans le Queyras, pillèrent Château- Queyras, Ristolas, Abriès et rançonnèrent les campagnes voisines.
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ÉTUDES HISTORIQUES
Un grave événement rendit, à la fin du mois de juin, quelque espoir aux généraux français : l'arsenal de Turin s'embrasa eomme une torchère colossale; « tout le maté- riel de guerre, 400 bombes 10 000 fusils et 8000 mous- quets, des affûts et des chariots furent perdus » (1).
Les envahisseurs s'avancèrent, alors du côté de Pignerol : aussitôt Catinat vint camper sur le plateau du col de Roche-Côtel. De cette position l'armée française, forte de 16000 hommes, dominait le camp de l'ennemi et empêchait le complet investissement de la ville. On s'ob- serva pendant un mois. Pendant ce temps, Abriès, Molines, Aiguilles, Villvieille devenaient la proie des 11 animes.
Enfin, vers le 20 juillet, le gros de l'armée ennemie se mit en marche : la colonne principale devait remonter la vallée de la Stura, puis après avoir franchi les cols de Larche et de Yars, déboucher à Guillestre près de la Durance. Un corps de liane venu des vallées vaudoises devait aussi converger sur le même point. De cet endroit, le duc de Savoie verrait s'élargir devant lui, par les vallées et les plateaux d'Embrun et de Gap, une route naturelle, jusqu'au cœur du Dauphiné. On espérait toujours que les protestants se décideraient enfin a se révolter contre le grand roi. Le plan des Alliés apparaissait clair, simple et précis.
Le général en chef, instruit des projets de l'ennemi, quitta son camp de Roche-Côtel et accompagné du marquis de Larray, se rendit à marches forcées dans la vallée de la Durance. 11 confia un bataillon de son régiment de milicesdauphinoisesetdeux compagnies du régiment irlan- dais de Clan-Carthy, à de Chalandière. et lui ordonna de défendre Guillestre jusqu'à la dernière extrémité, afin d'avoir le temps de renforcer la garnison d'Embrun; de plus, il envoya des troupes sur la ligne de défense de la Provence, notamment à Sisteron. Il fut efficacement secondé parle comte de Grignan, qui était ace moment
(1) Gazelle officielle, 28 juin 1692.
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lieutenant-général et qui mit à la disposition de Câlinai les compagnies des galères de la Méditerranée. Enfin, il concentra les chevau-légers et les dragons de son armée dans les plaines et sur les plateaux fertiles en fourrages, qui s'étendent à la droite de la Durance par Savines, Chorges, le col Bayard et Gap. Cette cavalerie devait barrer à l'ennemi la route de Grenoble et le rejeter en Provence, vers le col de Pontis. Il ordonna au marécbal de camp, Bachivilliers, de concentrer à Savines les contingents les plus rapprochés.
Guillestre, investie par 5000 hommes, capitula le 31 juillet, ainsi que nous l'apprend la dépêche suivante de la Gazette officielle : « La ville a été prise après cinq jours de siège; les Alliés y ont eu 400 hommes tués. Le sieur de Catinat a mis Embrun en état de défense. 11 craint toujours les Nouveaux Convertis ».
Pendant le siège, Yictor-Amédée avait franchi le col de Yars et avait massé une partie de ses troupes en avant de la place : il y laissa 8000 hommes pour protéger sa base d'opération et le 1er août marcha sur Embrun. Au pont Saint-Clément, son avant-garde se heurta aux G compa- gnies irlandaises de Clan-Carlhy et les refoula vers la ville défendue par le marquis de Larray. A l'approche de l'armée ennemie Bachivilliers recula sur Savinc, en cou- pant derrière lui le pont de la Clapière, et Catinat occupa le mont Genèvre avec 11 bataillons.
Yictor-Amédée campa quelques jours sur la rive droite de la Durance, attendant le contingent qui marchait pour le rejoindre et la colonne des réfugiés de Schom- berg. Celui-ci était entré dans les vallées vaudoises avec 2000 hommes auxquels venaient de se joindre 1500 Yaudois. Ces forces pénétrèrent dans le Queyras par les cols Saint-Martin et Lacroix : elles formèrent un effectif de 4000 soldats en y comptant un corps de 500 partisans qui étaient venus les renforcer. Aiguille fut investie. Le 3 août l'ennemi dressa ses lentes à Ville- vieille, en vue de Château-Queyras. Le lendemain, Schom- berg lit sommer de Lesches, le gouverneur, de rendre la
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ÉTUDES HISTORIQUES
place. À l'officier chargé de cette mission, le commandant répondit : « Vous devez connaître les Français; nous vous recevrons comme il convient. »
Le même jour, Bouchu informa la Cour de la capitu- lation de Guillestre et ajouta dans sa dépêche : « M. de Grignan a pris toutes les précautions nécessaires pour assurer la Provence et empêcher les Nouveaux Convertis de passer en Dauphiné. » 11 la termina toutefois par ces mots : « Les Nouveaux Convertis de cette province ne vont pas aux prêches des ministres de M. deSchomberg. »
Câlinai, informé de l'investissement de Chàteau-Queyras prit avec lui 3000 hommes et partit au secours de la place. Le village fut incendié, mais l'ennemi, apprenant l'approche du général en chef, leva le siège de la citadelle et regagna Guilleslre par le col Agnel, Molines et la vallée de Ceilhac.
Pendant ce temps le duc de Savoie avait été rejoint par les renforts attendus et entourait Embrun d'un cercle de fer et de feu. La ville était défendue par 3000 hommes : Victor-Amédée lit sommer le marquis de Larray de se rendre. — « Je m'efforcerai de mériter l'estime de Son Altesse royale » répondit le commandant. Les Alliés étaient au nombre de 20000. Les Savoisiens avaient à leur tête Parella; les Allemands, le prince Eugène et le comte deCaprara. Des deux côtés on déploya un grand courage.
Le 5 août, Bachivilliers, toujours retranché à Savines, écrivait :
« 11 y a eu une rude escarmouche entre la garnison d'Embrun et les ennemis. M. de Catinat a toujours l'œil sur Pigncrol. L'in- vestissement d'Embrun est complet; des détachemenls ont été envoyés par les ennemis du côté de Queyras. M. de Catinat est parti le 6 août pour aller à eux, mais ils ne l'ont pas attendu. Le comte de Schomberg ne quitla pas cependant Qneyras sans y avoir perdu du monde. »
Nouvelle dépêche publiée le 6 août par la Gazette officielle :
« Le duc de Savoie fil passer la Durance à son armée pour aller attaquer Embrun, dans l'espoir quecette place était dépourvue de
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canons et de provisions. Il envoya sommer le marquis de Larray qui la commandait. — Le sieur de Câlinai s'est emparé de Saint- Crépin près de Saint-Clément : Le comte de Schomberg assiégeait Queyras avec 4000 hommes; il s'est retiré. »
Le général en chef voyant Victor Améclée occupé au siège d'Embrun, vint camper avec le gros de son infan- terie à Prelles au-dessous de Briançon. De là il était séparé des corps ennemis retenus à Guillestre et devant Embrun, par le long défilé de la baule Durance avec la barricade de Pertuis Rostan qui marquait la limite méri- nionale du Briançonnais. Il choisit une position à cheval sur la Durance, à l'entrée de la plaine de Guillestre : sur la rive gauche, 3000 hommes se postèrent sur le plateau de Pallon; de l'autre côté de la rivière 2000 hommes s'éta- blirent à La Roche-sous-Briançon. Le 13 août, le quartier général fut transféré de Prelles à Pallon.
Le siège d'Embrun continuait : le duc de Savoie expé- diait partout des émissaires pour engager les protestants à se joindre à lui; ces derniers restaient inébranlablement attachés à leur devoir.
Enfin, le 15 août, la place se rendit : la garnison avait résisté héroïquement pendant dix jours; elle obtenait les honneurs de la guerre et sortait avec armes et bagages, « tambour battant, drapeaux déployés, mèche allumée ». Elle devait se retirer à Grenoble et ne plus servir pendant le reste de la campagne contre Victor-Amédée et ses Alliés; exception était faite en faveur du marquis de Larray qui était libre de servir de sa personne, avec quatre aides de camp. Les Français avaient eu 2 officiers tués, 3 autres blessés, 52 soldats tués et 86 blessés. Les ennemis avaient perdu 3 000 hommes ou tués ou bles- sés (1). Depuis le jour où ils avaient franchi le col de Vars, les armes, les maladies et la désertion avaient réduit de 6000 combattants leurs effectifs. Léganez et le prince Eugène étaient blessés. A côté de la perte des hommes, il en était une encore bien plus dangereuse pour les projets
(1) La ville dut payer au vainqueur 15 000 écus de contribution pour s'exempter du pillage.
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ÉTUDES HISTORIQUES
du duc de Savoie : c'était celle. du temps, c'était le retard causé par le siège d'Embrun, après ceux de Guillestre et de Château-Queyras, à la marche des colonnes envahis- santes. Le précoce hiver des Alpes allait rendre leur retraite bien difficile; la fuite des jours était leur plus terrible adversaire, et le meilleur auxiliaire de Catinat. Celui-ci le savait, et malgré les critiques et les impatiences du roi, il resta, comme un autre Fabius Cunctator, fidèle à sa tactique de rester sur la défensive, de fatiguer l'ennemi, de ne lui offrir aucune occasion de se mesurer avec lui.
Bachivilliers avait perdu ses communications directes avec le général en chef, depuis le siège d'Embrun ; toute- fois, il avait trouvé un moyen de correspondre avec lui, en faisant passer les courriers qu'il lui envoyait, par la vallée du Champsaur, le col de Fressinières, où, au delà, ils retrouvaient la Durance, au pied des escarpements de Pallon. Sa cavalerie barrait toujours à Savines la route de Grenoble et il découvrait intentionnellement le chemin du col de Pontis et de la Provence. Quand la reddition d'Embrun fut imminente, il conduisit ses 3000 hommes de cavalerie à la Bâtie-Neuve, dans la haute plaine de Gap; il y fut rejoint par le marquis de Vins, maréchal de camp, qui arrivait du Midi, avec un régiment de dragons : ce dernier par droit d'ancienneté prit le commandement des troupes.
Le 27 août, l'avant-garde des Alliés forte de 4000 dra- gons et de quelques bataillons d'infanterie descendit par les deux rives de la Durance, passant à droite, au pied du mont Saint-Guillaume, à gauche par le pont de la Clapière et Pontis dont le village fut incendié, mais où Parella fut mortellement blessé. De là, rejointe par le resle de l'armée elle marcha sur la Bàtie-Neuve. De Vins ne l'attendit pas et divisant ses effectifs en 3 colonnes, il monta sur le Plan Saint-Guigues. Parvenu sur le plateau, il rangea ses troupes en bataille, face à l'ennemi,
Gap était découvert. Sur l'ordre de Catinat la garnison avait rejoint la cavalerie française, dont les escadrons
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interceptaient la route qui conduit de la Bâtie-Neuve, par le village de La Rochette et le col de Manze, à Saint- Bonnet sur le Drac. Apprenant que les envahisseurs diri- geaient 3 bataillons vers le Dévoluy, de Vins alla camper vers Saint-Laurent-du-Cros. De son côté, Catinat prit avec lui 10 bataillons et les conduisit à Bourg-d'Oisans, puis se rendit auprès du marquis de Vins. En route, il avait rencontré Bacbivilliers. Accompagné de ces deux officiers généraux, il examina la situation : elle lui parut excellente, aussi bien pour résister aux attaques de ses adversaires que pour couvrir la gorge de Corps.
Ceux-ci étaient à Gap où ils demandèrent d'abord 40 000 écus à la population ; puis sur les observations des consuls réduisirent cette contribution à 10000 (1). Des détachements sillonnaient les campagnes voisines, com- mettant mille déprédations.
Dangeau rendant hommage à l'inébranlable fidélité des protestants à la mère patrie, écrivait le 23 août : a M. de Savoie espérait que les Nouveaux-Convertis mal intentionnés le reviendraient joindre, mais pas un n'a bougé; au contraire, ils sont tous venus donner des nou- velles assurances d'attachement, et ceux qui sont dans les troupes ennemies désertent fort et reviennent chez eux. »
Quelques jours plus tard, Louis XIV disait à Catinat, qui, dans un rapport, lui avait parlé avec éloge de leur courage : « Je suis bien aise que mes sujets Nouveaux Convertis se soient bien conduits jusqu'à présent, je leur donnerai avec plaisir, dans la suite, des marques de la satisfaction que j'ai de leur fidélité et de leur zèle. Vous pouvez les en faire assurer. 11 ne me reste qu'à vous louer de votre bonne conduite. » — On sait comment il tint parole.
Pendant que le général en chef « étendait ses batail- lons vers Saint-Bonnet, qu'il envoyait des munitions à Saint-Julien, dans Valgaudemar et que le comte de Gri- gnan dirigeait des compagnies sur Sisteron », les paysans
(1) Gazette officielle, 6 septembre 1G92.
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i ■ „t -Kns le Trièves, au nord du dauphinois se soulevèrent dans la 11 , uest du;fossé Dévoluy, dans le Dmis, les Baronmes a ^ du Baech. Ces braves gen m eut ^ offic. gentilshommes qui ne serva. F ^ seul ^_
dans les armées royales . 300 d ent ^ ^
lRge de ChâtU °rM^^
camp retranche de Montbrand l ) ^ {es rive.
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rainsdu Buechet délabre Durante ^ et coupèrent les cordes d f bacS*^Xgnes les habitants usité sur les cours d'eau Dan ^SÏÎÏd'aWi. d'arbres, interceptèrent, au moyen de ttjncùee les chemins descendan des co f^St trop favorable La levée en masse g»^*^ Vappl„yer. A cet à la défense pour que CaUn.at.ns^sg.les.Corps le régiment effet, il détacha du camp d A le ^ ^ ^ des dragons de Bretagne etceku de V ^ ordres du marquis du O^^neat du Trièves et
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Le cordon de milices de la reg o ^ pour arrêter les détachements oifensive de
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IWë^^^'SSSîaaUmDéB à Gap: dant, cette armée restait otalmemeu
qui donc arrêtait sa envahisseurs, s'ils
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Le 29 août, à la Bâtie-Neuve, Victor-Amédée avait ressenti les premières atteintes de la petite vérole. Rentré à Embrun pour s'y faire donner les soins réclamés par son état, la duchesse, sa femme, vint l'y rejoindre quelques jours plus tard. L'armée d'invasion resta commandée par le général Caprara.
Les pillages et les incendies autour de Gap continuè- rent encore pendant deux semaines. Le 1er septembre le prince Eugène passa le col Bayard à la tête d'un fort déta- chement, descendit dans la vallée du Drac et livra aux flammes Saint-Bonnet et quelques villages. Son but était d'entraver un retour offensif des troupes françaises du côté d'Aspres-les-Corps, en détruisant les subsistances sur leur chemin. La nouvelle de ces dévastations parvint à Grenoble et affola toute la population. Catinat manda auprès de lui, à son camp d'Aspres-les-Corps, les princi- paux députés du parlement, et après leur avoir montré les dispositions qu'il avait prises pour limiter les ravages de l'ennemi, il les chargea de rassurer leurs concitoyens. Le moment approchait, d'ailleurs, où les envahisseurs allaient quitter notre territoire : tous ces étrangers nés sur les plateaux de la Gastille, dans les plaines de la haute Italie ou du Danube, éprouvaient une vague frayeur d'être emprisonnés dans l'enceinte des montagnes dont les crêtes secondaires elles-mêmes commençaient à se couvrir de neige. Mais avant de s'éloigner, Caprara voulut laisser un souvenir terrifiant de sa présence : pendant plusieurs jours des détachements sillonnèrent le pays, incendiant les hameaux et les bourgs, massacrant les habitants, détruisant les récoltes. Les bestiaux et le butin transpor- table furent expédiés à Barcelonnette dans la vallée de rUbaye(1 ). Quand les troupes françaises rentrèrent dans ces régions, elles virent avec horreur les cadavres d'un grand nombre de paysans restés sans sépulture sur les chemins. A Veynes, sur 206 maisons, 123 devinrent la proie du feu; plusieurs châteaux, notamment celui de Tallard, furent
(1) 40000 têtes de bétail et les cloches des églises de Gap el d'Embrun.
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détruits, le prieuré de Véras fut saccagé 1 . Quelques compagnies eurent même l'audace de demander une con- tribution à Sisteron où commandait le brave de Valavoire. sous les ordres de L'intendant général de Langalerie : celui-ci répondit : Venez la prendre. »
Enfin, apprenant que des renforts étaient envoyés à Catinat. par Barbezieux. ministre de la guerre. Caprara lit ses adieux à Gap en la livrant aux flammes: la cathé- drale et 798 maisons sur 953 furent anéanties 2 .
Les coalisés suivirent la route de Savines, gagnèrent Embrun d'où ils ne partirent que le 17 septembre, emme- nant avec eux Victor- Amédée encore malade, et de là se dirigèrent sur Guillestre et le col de Vars. Harcelés en queue par de Vins et surveillés de près par Catinat. leur retraite cependant s'effectua dans un ordre si parfait et avec une telle habileté, qu'aucun de ces généraux ne parvint à les inquiéter sérieusement.
Pendant que l'ennemi reprenait ainsi la direction de Coni. tout en maudissant les huguenots dauphinois, qui sourds aux avances des traîtres avaient témoigné d'un patriotisme supérieur à tout éloge. Durfort de La Bois- sière adressait ce message à Pontchartrain. le jour de l'incendie de Gap :
■ M. de Catinat ayant souhaité que je donne des ordres dans le Diois et les Baronnies en l'absence de M. de Larray, je crois qu'il est de mon devoir de vous rendre compte de la sage et bonne conduite des Nouveaux Convertis. Je n'entre point en aucun dé- tail. . . Sa Majesté en étant informé par M. de Barbezieux. à qui j'ai eu l'honneur d'en écrire : mais comme M. de Savoie a fait courir mille billets pour les soulever et que ça n'a servi qu'à redoubler leur fidélité, je prends la liberté de vous supplier humblement de
(1) Abbé Guillaume, archiviste des Hautes-Alpes, dans les Annales des Alpes de janvier-février 19U2. pp. 211-213.
2 Parmi les lettres adressées par l'évêque de Gap. à Pontchartrain. ;i propos de la campagne de 1692. celles des 26 octobre et 26 novembre renfer- ment des détails bien tristes. Après avoir étudié les moyens ■ de rétablir la ville ruinée parle duc de Savoie ». le prélat constate que « dans son diocèse il y a 10.94" maisons brûlées et qu'il a 2.500 personnes a nourrir, moyennant ".875 livres par jour. 11 paie un tiers de cette somme et le roi les deux tiers. 11 faudrait, dit-il en terminant, décharger l'Élection du dernier quartier de la taille et totalement de cet impôt, pendant 10 années. •
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vouloir bien leur accorder l'honneur de votre protection, afin qu'il pJaise à Sa Majesté de vouloir bien leur relaxer la taxe (i qu'on a faicte sur les Nouveaux Convertis du royaume. »
Le 17 septembre. Bouchu revenant quelque peu ^ur ses préventions injustifiées devant la bravoure des réfor- més, disait de son coté : « Les Nouveaux Convertis du Dauphiné se sont comportés dans ces conjonctures d'une manière qui paraît rassurer sur leur conduite à l'avenir. »
On lit. encore, cet éloge ému accordé par Catinat aux huguenots, dans une dépèche qu'il adressait le 19 sep- tembre, du camp de la Bessée à Barbezieux 2 :
■ Le roi m'a fait l'honneur de me témoigner par deux différen- tes lettres la satisfaction qu'il ressentait de la bonne et sage con- duite de ses sujets Nouveaux Convertis, et il a vu avec joie qu'ils lui étaient bons et véritables sujets et même disant qu'il leur en donnera des témoignages. Je vous assure qu'avec un véritable esprit de charité pout ces pauvres gens-là. j'ai appréhendé qu'ils ne fissent quelque chose mal à propos, pour les châtiments cruels que cela leur aurait attiré et qu'ils auraient mérités. J'ai toujours fait valoir, ayant l'honneur d'écrire au roi tout le bien que vous me mandiez de leur conduite. »
Enfin, le 20 septembre. Catinat écrivait, de nouveau : s Le roi a témoigné tant de satisfaction de la conduite des Nouveaux Convertis que je crois qu'ils en recevront des marques. »
Au mois d'octobre les deux armées se dispersèrent dans leurs quartiers d'hiver et la campagne s'acheva aux lieux mêmes où elle avait commencé. Le bassin du Guil. puis en aval dir confluent de ce cours d'eau avec la Durance.
(i) Le 11 septembre 1692. — Cette taxe était imposée sur les protestants dans des « Roolles de tailles, faits et péréqués sur les Nouveaux Convertis et autres possédant biens taillables. qui ont fait profession de la R. P. R. jusques au mois de septembre 16S3 ». Nous avons retrouvé quelques-uns de ces rôles à Saillans. 16 novembre 16S5. 12 mars 1691:— à Aouste. U juillet 1692: — à Aucelon. 6 septembre 1691: — à Allex. 2S août 1691. 5 juillet 1692: — à Espenel. o septembre 1692. etc.
Il semble que Louis XIV ait fait droit momentanément à la requête de Durfort de La Boissière.
2 Le camp de La Bessée. sur la Durance. au confluent de la Vallouisc, avait été formé par Catinat avant la prise de Gap. pour garantir contre toute surprise Briançon. Chàteau-Queyras et Pignerol.
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les pays d'Embrun et de Gap, jusqu'au Buech; la vallée du Drac jusqu'à Aspres-les-Corps, telles sont les parties du territoire français foulées par l'invasion de 1692. Cette étendue répond à peine aux deux tiers du département des Hautes-Alpes. Sa conquête éphémère coûta au duc de Savoie et à ses Alliés 10000 soldats tués dans les sièges, enlevés par la maladie, ou parla désertion.
Ainsi, en face des régiments de Catinat s'était ras- semblée une armée bien supérieure en nombre, com- mandée par les meilleurs hommes de guerre de la coali- tion. Surmontant la barrière des Alpes, cette armée avait pénétré dans le royaume, au cœur d'une province que l'on supposait peuplée de mécontents, où sa seule appa- rition, suivant le calcul de ses chefs, devait faire éclater une révolte formidable et causer à la France d'incalcu- lables désastres. Et qu'était-il advenu de ces efforts, de ces menaces, de ces ambitieuses visées? — Une course, ou plutôtune pointe dansle Dauphiné et des ravages inutiles. Ce résultat était dû au génie de Catinat, à l'habileté de ses lieutenants, à l'endurance de ses troupes et surtout au patriotisme irréductible de nos vaillantes populations.
Hélas! par le traité d'Utrecht, Louis XIV céda au roi de Savoie les trois vallées Briançonnaisesdu bassin du Pô; en revanche ce dernier donnait à la France, celle de Bar- celonnette ce qui était une bien mince compensation. Le Briançonnais méritait mieux, car il était une des plus respectables créations du moyen âge et il s'était sponta- nément donné à la mère patrie avec le reste du Dauphiné. Les protestants de France y comptaient plus de 1 1 000 core - ligionnaires.
Un fait particulièrement intéressant, c'est que dix ans après la campagne dont nous venons de retracer les phases principales, l'évêque de Die, Gabriel de Cosnac, qui avait succédé à son oncle Daniel, reconnut lui-même la belle conduite de notre peuple huguenot dans ces cir- constances si graves de notre histoire nationale. Le duc de la Feuillade ayant été nommé gouverneur du Dauphiné et de la Savoie, et la municipalité dioise l'ayant respec-
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tueusement félicité de la charge de confiance dont il avait été investi, le nouveau titulaire répondit par la lettre suivante (1).
« A Chambéry, ce 11 décembre 1103, -
« Messieurs,
« Le roy ayant destiné Monsieur le Maréchal de Tessé pour son armée de Séchia, m'a fait l'honneur de m'envoyer en sa place commander le Dauphiné et dans la Savoye. Je scay la confiance que vous aviez en luy; je scay qu'il n'a jamais employé que l'es- timera douceur et l'amitié pour maintenir vostre fidélité, laquelle à la vérité a déjà esté si éprouvée que l'attention de ceux qui sont chargés des ordres de Sa Majesté dans ceste province, doit estre bien plus tôt de vous marquer de la satisfaction que de prendre des mesures convenables contre les mouvements séditieux où les ennemis de l'Etat, et ce que je ne scaurois dire que pénétré de douleur, les membres mesmes de cet État, dont vous êtes entou- rez, employent touttes sortes de moyens pour vous engager.
« Pour moy, Messieurs, je vous diray que l'attachement invio- lable que vous marquâtes à Sa Majesté sans qu'aucun de vous aud. s'en soit démenty, dans l'année fatalle où Monsieur le duc de Savoye pénétra jusqu'à Embrun, m'est demeuré dans le cœur, quoy qu'en ce temps je fusse encore bien jeune pour recevoir aussi vivement de pareilles impressions. Vous ne devez pas douter que l'intérêt que je prends à ce qui vous regarde ne soit plus sen- sible et plus véritable que ne peut estre celluy d'aucun autre qui tiendroit ma place, puis qu'outre la qualitté de sujet zélé et celle de commandant, j'ai l'honneur d'estre encore Gouverneur de province et tils d'un père illustre qui a jouy avant moy du mesme avantage.
« Je vous prie, donc, Messieurs, d'estre persuadez que vous avez en moi un protecteur asseuré etunamy fidel. Je vous répons de la part de Sa Majesté qu'il vous regarde comme ses bons et
(1) On lit dans les Délibérations consulaires de la ville de Die (registre de 1101 à 1709, f0" 141 et 142) : « Et à l'instant mondit seigneur Gabriel de Cos- nac ayant voullu luy-mesme faire lecture d'une Lettre du il du présent, escrite par Monseigneur le duc de La Feuliade, gouverneur de cette province et commandant en icelle et dans la province de Savoye. aux Nouveaux Con- vertis, afin de la randre publique, suyvant les intentions de mondit Seigneur le duc, il a esté unanimement conclu que ladite Lettre seraregistrée dans les présents et qu'elle sera publiée à son de trompe, par tous les carrefours accoustumés.
« Gabriel de Gosnac, évêque, comte de Die; Daniel Isoard. lieutenant du maire; Daniel Gueymar, Louis Chion, consuls modernes, sieur Anthoine Bott- drat, sieur Scipion du Pilhon, châtelain, Pierre Dailhe. curé. Anthoine Pou- drel, François de La Morte, etc., etc. »
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véritables sujetz et qu'il ne mettra jamais de différence entre les Nouveaux Convertis et les Anciens Catholiques, qu'en cas qu'ils ne fussent assez aveuglez, pour s'éloigner de la soumission et de la (idélité où les engage le bonheur d'estrenez sous sa domination. « Je suis avec une sincère affection, Messieurs, « Y.oStre très-humble serviteur,
a Le duc de La Feuillade ».
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Bien que le nom de Philis de La Tour La Charce ne se rencontre pas une seule fois dans les documents officiels que nous venons de citer, on a cependant essayé de personnifier en elle le patriotisme et la fidélité, dont les montagnards du Dauphiné donnèrent des preuves si éclatantes en 1692. Une légende s'est peu à peu formée autour de l'héroïne, si bien qu'aujourd'hui, dans un certain camp, on ne l'appelle plus que la Jeanne d'Arc, ou la Jeanne Hachette ou la Libératrice du Dauphiné!
Romanciers, conférenciers, journalistes, historiens semblent s'être donnés le mot pour exalter cette femme devenue célèbre et ajouter des détails toujours plus mer- veilleux à ses premières biographies. Actuellement, on se sert de la modeste carte postale illustrée... pour popula- riser ses traits et sauver de l'oubli ses exploits glorieux. Nos lecteurs nous sauront gré de la leur présenter, tout d'abord. Son père était Pierre de La Tour La Charce, qui passa toute sa vie à guerroyer et devint, en 1652, maréchal des camps et armées du roi. Bien que protestant il avait pris part, en 1628, contre ses coreligionnaires, au siège de La Rochelle, ce qui ne l'empêcha pas, dans son testament du 15 novembre 1654, de « léguer aux habitants de sa terre des Plantiers (en Languedoc) l'emplacement d'un temple, aux réformés nécessiteux de La Charce (près La Motte-Chalancon) 100 livres, et pareille somme à ceux de Montmorin (Hautes-Alpes) ». Il mourut le 22 août 1675 « et fut inhumé le lendemain, dans le cimetière de ceux de la R. P. R. » Il avait épousé
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sa cousine germaine, « noble clamoiselle Catherine-Fran- çoise de La Tour Gouvernet, dame de Mirabel, Mont- morin et Sigottier ». Elle décéda le 17 mars 1709, à l'âge de 90 ans, ayant abjuré la religion protestante le 11 février 1686, entre les mains de l'évêque de Gap.
Philis vint au monde le 5 janvier 1645. Voci comment son père relate sa naissance :
« Le 5 (janvier) de Tan 1645, ma femme s'accoucha d'une ii lie à Montmorin. Elle y fut baptisée (nommée) par M. Bonnet, notaire à La Charce; elle a nom Philippe et on la nomme Philis. M. le Conseiller de Saint-Germain, l'oncle de ma femme à la mode de Bretagne, est son parrain, et Madame la Conseillère de Moret, sa marraine, laquelle étoit sœur de Madame de Mirabel, mère de ma femme, toutes les deux de la maison de Peire, près de Serre. M. de Jarjayes, fils d'une autre sœur de Madame de Mirabel, la présenta au baptême avec malille De Curban (1) ».
Parmi les autres enfants de Pierre de La Tour La Charce (2) et de sa compagne citons : Françoise mariée à François de Pontis, seigneur d'Urtis et de Curban, Achille, Marie, Pierre, Alexandrine, Suzanne, Marguerite, Louis, seigneur de Mirabel, René Scipion. — En 1675, il ne restait plus que Philis, Marie (Mlle des Plantiers), Pierre, marquis des Plantiers, Marguerite (Mlle d'Aleyrae) et Louis qui continua la branche de La Charce.
« Philis fut élevée par Antoinette de La Garde, femme de Guillaume de Lafont-Pois-Guérin, seigneur des Houil- lières, aide de camp des armées du roi et son lieutenant au gouvernement de Doullens (3). » 11 était protestant.
En 1692, l'héroïne avait donc quarante-sept ans. Depuis six à sept ans, elle se proposait d'abjurer la reli- gion de ses pères et faisait une active propagande parmi ses tenanciers en faveur du catholicisme qu'elle embrassa définitivement en 1693.
(1) M. Lacroix, archiviste de la Drôme, dans le Bulletin de la Société d'ar- chéologie et de statistique de la Drame, année 1881, Article : l.a Charce- pp. 191 et suivantes.
(2) En 1619, Louis XIII avait érigé en marquisat la seigneurie de La Charce en faveur de René de La Tour Gouvernet, qui mourut peu après.
(3) Bulletin... op. cit., p. 200.
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Après la prise de Gap, comme des détachements ennemis sillonnaient les campagnes, incendiant villages et châteaux : « MM. de Flotte, de Saint-Pierre, de Taillades, Lagier de Vau-
La prétendue libératrice du Dauphiné. (OEuvre de Daniel Campagne.)
gelas et de La Cardonnière, à la tête de leurs compatriotes, vont attendre l'ennemi au Col de Cabre, où Philis de La Charce, en habit d'amazone, vêtue d'une cuirasse, l'épée a la main et le pis- tolet à l'arçon de sa selle, vient avec la troupe de défenseurs qu'elle a recrutés dans les Baronnies* D'abord, elle met en fuite
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les bandes indisciplinées qui devançaient l'armée du duc, puis elle croise le fer avec les Barbets et les réfugiés français et les rejette sur la pente opposée du col. Les autres passages des Alpes (sic) dans le voisinage avaient été fortifiés par ses ordres, les ponts des torrents rompus, les routes barricadées et les défilés gardés. Les Savoisiens reculent devant une défense si vaillam- ment organisée et l'effet moral produit par l'éclatant succès de Philis est immense et décisif (1). »
Ce récita évidemment été inspiré par un roman anté- rieur (2) que Ton a voulu embellir ou dénaturer, — comme on voudra, — et qui explique différemment la victoire de la Dauphinoise sur les coalisés. Mais quand on se livre à son imagination, celle-ci montre, comme le dit Malebranche, « qu'elle est toujours la folle du logis ».
L'auteur de ce roman raconte, donc, les amours de l'héroïne et du comte deCaprara, général de l'Empereur, qui avait promis d'épouser la future « Pallas », mais qui ne put tenir sa parole. Voici comment elle triompha de son admirateur dans le fameux combat que l'on place en 1694 (sic) :
« Au moment de partir pour la chasse avec quelques servi- teurs, elle apprit que Caprara avec tout son monde se dirigeait vers le col (?); elle vola à sa rencontre. Armée de deux pistolets et d'un sabre, elle se fit accompagner de tous ceux qui se trouvèrent dans la maison... Elle reconnut son infidèle en la personne du commandant : ce dernier tirait son sabre pour se frayer un che- min, lorsque Mademoiselle de La Charce se montra, en criant : Achève, perfide! pour venir à bout de tes héroïques entreprises, perce ce malheureux cœur...
« Le comte fut frappé comme d'un coup de foudre, en enten- dant cette voix si chère; son sabre tombe de sa main, lui même chancelle, il est obligé de mettre pied à terre, et entraîné par son
(1) C'est un résumé de plusieurs ouvrages. Cf. Hochas : Biographie du Dauphiné, Paris, 1856, 2 vol. in-8°, — Le curé Albert : Histoire du diocèse d'Embrun, 1783, — Franck Maurice : Philis de La Charce : Conférences (1625-1101), Orléans, 51 pp. in-8°, — Du lîoys : Philis de La Charce. héroïne du Dauphbié au XVU» siècle, dans le Bulletin de l'Académie dclphinale. 3' série, t. I, pp. 5 et suiv., — Abbé Lesbros : Mademoiselle de La Charce, Paris. 1 S S 3 . 300 pp. in-8". — Mme Louise Urcvet : Légendes dauphinoises : Mademoiselle Philis de La Charce, Grenoble, Dauphiné. vin, (roman).
(2) Anonyme : Histoire de Mademoiselle de La Charce, de la Maison de La Tour-du-Pin en Dauphiné, ou Mémoires de ce qui s'esl passé sous le 7-ègne de Louis XIV, Paris, A la belle image, Gandoin, 1731. 452 pp. in-12.
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inclination, il se trouva aux genoux de Mademoiselle de La Charce et se déclare son prisonnier. — Faites retirer vos troupes de ce lieu, dit-elle. Caprara répond : Vous serez obéie. Ainsi, vous aurez la gloire d'avoir fait tourner le dos à notre armée et d'avoir sauvé le Dauphiné au roi de France ! »
Nous n'aurions garde d'insister sur l'année où l'auteur, fort bien renseigné, comme on le voit, place cette scène qui rappelle de si loin et si mal celle du Dépit amoureux, ni sur l'âge de l'héroïne. Nous ferons simplement remar- quer à ceux qui ont essayé de corriger et de modifier cette légende que l'armée des Alliés resta cantonnée à Gap, que les détachements ennemis ne dépassèrent pas la ligne du Buech et ne purent dès lors faire aucune apparition au col de Cabre fort au delà, que la plupart des réfugiés étaient restés à Guillestre avec le comte de Schomberg, et que les passages des montagnes, depuis Aspres-les- Veynes jusqu'à Sisteron étaient gardés par le comte de Grignan, le marquis du Cambout et leurs lieutenants aidés de nos population soulevées.
On cite encore un extrait du Mercure Galant (14 sep- tembre i 692) où l'on peut lire ces mots :
« Le zèle qu'a fait paraître Mademoiselle Philis de La Charce, Nouvelle Convertie, pour le service du roi, ne doit pas être oublié. Elle a empêché la désertion des peuples... Elle s'est mise à leur tête, a gardé les passages, fait couper les ponts... Madame la marquise de La Charce, sa mère, exhortait les peuples de la plaine, à se maintenir dans le devoir, pendant que sa lille résis- toit aux ennemis de la montagne. Madame d'Urtis, son aînée, fit d'un autre côté, couper toutes les cordes des bateaux qui traver- soient la Durance, afin que les ennemis ne s'en pussent emparer. . . Pendant que Madame de La Cha.ce et ses lilles donnent ainsi des preuves de fidélité dans la province, oh leur maison était autrefois souveraine, M. le marquis et M. le comte de La Charce, qui sont actuellement au service, font connaître leur valeur et leur courage. »
Le Mercure Galant, journal de salon et de ruelles, s'occupait surtout des menus des fins dîners offerts par le roi, de ses pertes de jeu et des racontars de la Cour. Nous récusons absolument l'authenticité des nouvelles
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tendancieuses dont il se fait l'écho et qui sont contredites par toutes les dépêches officielles que nous possédons sur l'invasion de 1692. Nous protestons en particulier, avec énergie, contre la prétendue désertion des peuples, au nom des enrôlements de volontaires signalés dans les Délibé- rations consulaires des villes de Crest, Châtillon, Nyons, Buis-les-Baronnies et Rosans, et au nom de la vérité his- torique, ainsi que du patriotisme intelligent et généreux dont nos paysans donnèrent des preuves pendant tout le cours de la campagne.
En ce qui concerne la parenté de la famille des La Tour La Charce avec la maison souveraine des La Tour du Pin, dauphins de Viennois, voici ce que nous lisons dans Y Armoriai du Dauphiné de Rivoire de La Bâtie :
« De graves contestations généalogiques se sont élevées au sujet de l'origine de cette famille. Est-elle un rejeton de la maison souveraine de La Tour du Pin? N'est-elle, et cela serait encore fort beau, qu'une noble et ancienne famille sortie du Trièves et de la Val-Chevaleureuse, comme l'ont expressément écrit Ghorier et Guy Allard dans leurs Nobiliaires Dauphinois et originaire de La Cluse? Nous n'entreprendrons point de trancher ici une ques- tion aussi délicate et nous nous bornerons à dire que MM. de La Tour du Pin, à tort ou à droit, sont aujourd'hui en pleine posses- sion de ce nom illustre qu'ils n'ont commencé à prendre que vers la fin du xvn9 siècle (1). »
D'autre part, dans les Notes, puisées aux meilleures sources, que M. Auzias, avocat, donne sur Philis de La Tour La Charce, cet auteur fait les mêmes réserves et complète comme suit le témoignage de Rivoire delà Bàlie, dont cependant les intentions bienveillantes envers les familles actuelles nobles du Dauphiné ne sont un secret pour personne :
« L'héroïne fut inscrite à son acte de naissance sous le nom de Philippe (Philis) de La Tour, en 1615. — Le 26 août de la même année, une fille de feu César de La Tour, marquis de La Charce et de Françoise de Saussans, étant âgée d'environ vingt ans. bap- tisée protestante, fait renouveler son baptême, à l'Église, sous le
fl) G. Rivoire de La Bâtie : Armoriai du Dauphiné, Lyon, 1867. 819 pp. gr. in-4°, p. 738.
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nom de Marie-Marguerite de La Tour. Sou parrain est René de La Tour, seigneur et baron de Montauban, la marraine est Lucrèce de La Tour, marquise de La Charce, mère de Philis. Celle-ci signe Philis de La Tour, ou Philis de La Charce, jusqu'en 1688. Le 1er août 1688, elle signe encore Philis de La Tour La Charce. C'est seulement à partir du 19 janvier 1689, que, dans un acte de baptême rédigé par un notaire qui la désigne sous le nom de Philis de La Tourelle signe Philis de LaTour du PinLaCharce (1).»
Il est donc vrai que jusqu'à cette date, elle ne s'était reconnue aucune parenté avec l'illustre et ancienne maison souveraine des seigneurs de La Tour du Pin, dau- phins de Viennois (2).
On assure encore que le 22 septembre 1693, le mar- quis de Larray adressa de Fénestrelles le billet suivant à la « libératrice du Dauphiné » :
« Si le roi avait dans ses provinces beaucoup de personnes comme vous, il n'y aurait pas besoin d'y avoir des troupes, ni d'autres forces que celles de voire prudence et de votre zèle pour son service. Vous rassurâtes si fort le pays l'année dernière que nous vous devons la tranquillité qui s'y conserve. Il est vrai, Mademoiselle, que j'en ai rendu compte à la Cour. Elle appréciera certainement tout ce qu'il y a de grand, d'héroïque, dans votre conduite, et vous en serez récompensée par la reconnaissance et l'estime de Sa Majesté (3). »
Si le marquis de Larray a vraiment cru pouvoir accorder ces éloges à Philis de La Tour, on est en droit de se demander ce qu'il entend par ces mots : Elle (la Cour) appréciera certainement tout ce qu'il y a de grand, (/'héroïque, dans votre conduite. S'il s'agit de l'action qu'elle a exercée sur ses vaillants coreligionnaires, nous savons ce qu'il en faut penser; et si l'on veut faire une allusion à des exploits militaires, on s'étonne que le défenseur
(1) Auzias, avocat : Noies sur Philis de La Tour La Charce, dans le Bulle- tin de l'Académie delphinale, 3e série, t. Il, Grenoble 1800-07.
(2) Les lecteurs que la question de Vorigine princière de Philis de La Charce pourrait intéresser trouveront dans les Tableaux généalogiques de la Maison de la Tour du Pin (1870) et dans leurs Annexes (1881) tous les détails possibles pour éclairer leur religion. Ils sont conservés aux Archives de la Drùnie et dans bon nombre d'autres dépôts publics.
(3) Bulletin de la Société de statistique de l'Isère, 3e série, t. V, p. 28.
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d'Embrun n'en ait jamais parlé dans ses dépèches à Pont- cliartrain et à Barbezieux.
Ce qu'il y a d'étrange est que dans le pays même qu'elle avait si brillamment défendu on n'avait pas entendu parler de ses victoires. En voici la preuve péremptoire.
Dans une missive adressée par Mme de La Bâtie à Mme de Léberon. sa cousine, en date du 8 février 1693. de Lcltrel, près de Tallard. on lit ceci :
« Je ne saurois assez vous témoigner ma reconnaissance de voire offre de nous donner retraite chez vous, si notre sort nous eût menés dans vos quartiers. C'est une chose bien pitoyable que d'être obligés de quitter ses maisons et de trouver partout f.ù l'on s'arrête la frayeur et l'éponvanle; nul lieu de repos et de quiétude: partout l'on fuyoit et l'on craignoit. Pendant deux mois et demi nous avons été en campagne. Nous nous arrêtâmes à Nyons dans la pensée, si l'ennemi s'approchait, de passer le Rhône. Nous apprîmes là le malheureux état où l'ennemi avoit mis aotre pauvre Gap et ses environs. Sachant qu'il s'en étoit retourné. M. Toures alla voir nos chagrins de plus près et d^s que je me suis pu retirer, tout incommodée que j'étois. à fort petites jour- nées, je suis arrivée à un petit village nommé Lettret. à deux lieues de Gap et une promenade de la comté de Tallard. Une petite maison que j'ai acquise dans Lettret a été conservée, grâces à Dieu, dans les flammes de trois côtés: la Durance étoit de l'autre, mais il n'y avoit personne pour éteindre le feu. Il est pitoyable de voir toutes les maisons brûlées, ce fort beau château de Tallard entièrement brûlé et tout le bourg qui est fort consi- dérable... Tout ce pays est encore dans l'incertitude de ce qui se fera dans le printemps et si nos troupes seront encore les plus faibles (1). »
Voilà donc une dame appartenant a l'une des plus vieilles familles nobles des Baronnies. qui se trouvant dans un pavs ravagé et incendié quatre moi< auparavant par les envahisseurs, garde un silence absolu sur la • Jeanne d'Arc o qui en a débarrassé la contrée, au dire de ses admirateurs !
Cela est bien singulier.
Ce qui l'est encore davantage esl l'extrême réserve observée par la marquise douairière de La Charce dans
(1) Archives de la Drôme. E.n° 892.
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un Placet qu'elle adressa, le 8 juin 17(KJ, au contrôleur- général des finances, sur les services rendus par sa fille, morte le 4 juin précédent (1), afin d'obtenir pour elle- même la pension de 2 000 livres que l'on servait à la pre- mière, depuis le mois d'août 1691. Elle lui dit :
« Monseigneur,
« Ma tille aynée que vous honoriers de l'honneur de vostre prolexlion vient de mourir, qui est pour moy à l'aage de quatre vingt trois ans, la plus grande perle que je pouvois l'aire, m'estant d'un grand secours par ses soins el par la pansion de deux mille livres dont Sa Majesté l'honoroit annuellement sur son trésor royal. J'ose vous supplier très humblement, Monseigneur, par Vexlrême besoin que je en ay de me la procurer de Sa Majesté par vostre puissant crédit et je seray toute ma vye avec une respectueuse recognoissance,
« Monseigneur,
« Vostre très-humble et très-obéyssante et très-soubmise servante.
« A Nyons en Dauphiné ce 8 juin 1703.
« Françoise de La Tour du Pin, doyrikrk de La Charce (2). »
On cite, aussi, un billet qu'un habitant de Gap, M. Souchat (?), aurait écrit à Mlle de La Charce :
»
« A Gap, ce Ki octobre 1G92.
« Ce n'est pas d'aujourd'hui, Mademoiselle, que je sais que vous faites revivre les Amazones Bien que nous soyons d'un
(1) On lit dans les registres de l'état civil de Nyons : « Du i juin 1703 Philis de La Tour du Pin de La Charce, a été ensevelie daus la tombe sépul- crale de la chapelle joignant celle de Saint-Crespin, occupée par les reli- gieuses de Saint-Césaire. »
La Gazelle officielle du 23 juin 1703 rapporte comme suit ce triste événe- ment : « Demoiselle Philis de La Tour du Pin de La Charce, qui depuis sa conversion à la religion catholique avait donné autant de preuves de sa piété que de son zèle pour le service du roy, en plusieurs occasions, est morte à Nyons en Dauphiné, âgée de 58 ans. »
Ces quelques mots renferment le secret de la popularité posthume que ses admirateurs ont voulu lui faire.
(2) Archives Nationales : Papiers du Contrôleur général, Liasse tî, vu, 406. Dossier de M. de Grignan. — Le comte de Grignan, lieutenant-général en Provence, recommanda vivement cette requête, par sa lettre du 7 juin 1703. La pension sollicitée fut accordée à la marquise douairière de La Charce.
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pays perdu, nous avons ouï parler de vos exploits, et si nous avions élé assez heureux pour avoir ici quelqu'un de votre valeur, nous aurions évité très assurément les maux que les ennemis nous ont fails. Si j'en étais cru, non-seulement M. l'Intendant, mais M. de Câlinât publieraient si fort vos louanges à la Cour, que voire nom y seroit éternisé, puisque c'est à vous seule qu'on doit la conservation de votre pays (1). »
Il est à remarquer que M. l'abbé Lesbros, le pané- gyriste de Philis de La Charce, malgré toutes ses recherches, n'a jamais pu découvrir l'auteur de ce prétendu billet... Il serait cruel d'insister.
Une lettre de Mme de Sévigné renferme un passage des plus suggestifs que nous voulons rappeler ici : « J'ai vu, dit la spirituelle marquise, — (toujours bien informée et encore plus impartiale..., comme chacun sait), — Madame De Vins; M. le chevalier y présentent Mademoi- selle de La Charce, autrement dit la guerrière P allas : elle nous a conté ses campagnes avec beaucoup d'es- prit »...
On assure en effet, qu'en 1691, sur les conseils de l'intendant Bouchu, « Philis se rendit à Paris. Elle fut reçue par Louis XIV qui la combla des marques de sa faveur, lui accorda une pension de 2 000 livres, comme à un colonel — (d'autres disent, avec un brevet de colonel) — et fit déposer au trésor de Saint-Denis son épée, ses pistolets et ses armoiries ».
Observons que Hochas qui com plaisamment avait cru devoir insérer ce dernier détail dans sa Biographie du Dauplnné, l'a rétracté dans des notes manuscrites ; que jamais, ni blason, ni épée, ni pistolets n'ont élé déposés à celle illustre abbaye et que le brevet de colonel est du domaine de la légende. En ce qui concerne la pension de 2000 livres, elle fut allouée à Mlle de La Charce, non pour ses services militaires... mais pour son prosé- lytisme religieux, ainsi que nous allons le voir.
(1) Albert Du Boys : Philis de La Charce héroïne du Dauphiné au XVIF siècle dans le Bulletin de l'Académie delphinalc, 3e série, t. 1. pp. 8 H BlliY,
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M. de Vertron, l'éditeur de la Nouvelle Pandore (p. 405), lui dédia de son eôté, le quatrain suivant :
Par la prudence et la valeur La Cliarce surpasse Clélie; Par l'esprit et par la douceur D'Aleyrac surpasse Télie.
Mlle d'Aleyrac, sœur de Philis, jouissait de la réputation de femme lettrée.
Ajoutons que Mme Deshoulières étant venue habiter Nyons en 1672, se lia avee Mlle de La Cliarce et avec sa sœur cadette (1 ). Bien que celle-ci se rapprochât davantage d'elle par ses tendances poétiques, ses préfé- rences furent pour la première à qui elle dédia en 1673 une pièce de vers sur la Fontaine de Vaucluse et adressa en 1685 une Epître chagrine.
Enfin, nous ne citerons que pour mémoire un article paru dans le Courrier de la Drôme et de l'Ardèche, le 30 novembre 1847, sous la signature de Mme Camille Lebrun, oùl'onnous dépeint le château de La Charce, ses tourelles, ses grandes pièces meublées de chaises et de fauteuils « recouverts de cuir mordoré » — (l'auteur est-il bien sûr de cet important détail?) — et l'arrivée inopinée « d'un lieutenant de dragons envoyé par Catinat à Mlle de La Cliarce et à douze autres gentilshommes des environs pour les supplier d'armer leurs vassaux et de courir au secours du roi ». On ne mentionne pas le fameux combat du col de Cabre, mais on nous entretient d'es- carmouches où Philis repoussa les ennemis : on ajoute : « Néanmoins Catinat déclara hautement que c'était elle qui avait sauvé le pays en cette grave circonstance » !
Qu'il est regrettable que l'illustre maréchal ne men- tionne en aucune façon dans ses Mémoires cette démarche de sa part, pas plus que les coups d'épée et de pistolet
(1) La sœur cadette de Philis de La Charce, c'est-à-dire Mlle Marguerite d'Aleyrac, nous a laissé un Madrigal sur la prise de Gand (1677) et quelques autres pièces. Qu'il est fâcheux qu'elle ne parle jamais des chevauchées guer- rières de sa sœur ! Les aurait-elle ignorées?...
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libéralement distribués aux envahisseurs par celle qui csl devenue la Libératrice du Dauphinêï
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Nos lecteurs trouvent, sans doute, qu'il est temps de revenir à la vérité historique et de leur indiquer les- cau- ses qui ont valu à notre héroïne, auprès de certains auteurs, une popularité que d'autres mettent si peu d'em- pressement à lui accorder. Nous sommes de leur avis, et nous allons essayer de les satisfaire.
Toute cette légende repose sur une équivoque.
Nous avons vu, il y a un instant, que la marquise douairière de La Charce avait abjuré le protestantisme entre les mains de l'évêque de Gap, le 11 février 1686. Il est à croire qu'elle mûrissait ce projet depuis assez longtemps, aussi bien que ses deux filles, qui suivirent son exemple, puisque nous lisons dans le Mercure Galant (14 septembre 1092) ces quelques mots : « Il y a peu d'années que Mlle d'Aleyrac, cadette de la maison de La Charce soutint le parti catholique contre les mutins qui s'étoient assemblés en Dauphiné, près de Bourdeaux et avaient baptisé leur assemblée du nom de Camp de V Eternel (1). ttlle est maintenant à Paris ».
Quant à Philis, dès le commencement de 1686, nous la trouvons fiévreusement occupée à catéchiser les réfor- més de Nyons, de La Motte Chalacon, de La Charce, de Cornillon, de Montmorin, pour les amènera une abjura- tion. De cette date à 1702, elle est marraine de la plupart des enfants qui naissent dans les familles huguenotes, ainsi que nous l'apprennent les registres de l'état civil de La Charce, et de Montmorin. Déjà, le 15 janvier (1680) elle semble avoir contribué à faire entrer dans le giron
(1) Allusion au combat de la Grange Brâlëe près de Bourdeaux, le 30 août 1683, où les 2 régiments de Barbezières et île Tessé massacrèrent une soixantaine de protestants, et à La suite duquel plusieurs prisonniers furent envoyés aux galères comme Coulaud de Heauvallon, et d'autres furent mar- tyrisés comme Coutaud de Hochebonne, de Saillans. Cf. BroussOD : Apologie du projet des informez de France, s. 1. n.d. 1684, in-12, p. 187,
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de l'Église romaine « noble Henriette d'AUéoud de Chey- lanne, qui renonça à toutes ses hérésies, notamment à celles de Calvin»; quatre jours après, à son instigation, l'une de ses parentes «noble Eléonore Arthaud de Mon- tauban » crut devoir suivre le même exemple; l'année suivante, ce fut un ancien protestant, Charles de Lavai, qui Qt baptiser par le curé sa fille Lucrèce, dont le parrain tut « haut et puissant seigneur de Montauban ». Celui-ci aurait voulu que le vicaire-général de l'évêque de Die présidât en personne cette cérémonie, qui « eut lieu au château, à 10 heures du soir, aussitôt après la naissance de l'enfant » (20 juin 1687) (1).
La mère et la sœur de Philis la secondaient, d'ail- leurs, de leur mieux dans son ardeur religieuse.
Cela dura jusqu'en 1692, au milieu de la tristesse indignée de ses braves coreligionnaires et de l'approba- tion enthousiaste de ses nouveaux amis. Mais Fou apprend, coup sur coup, l'invasion du Dauphiné par les coalisés, la prise de Guillestre, bientôt suivies par celles d'Embrun- el de Gap. La population du Diois etdesBaron- nies se soulève contre les étrangers.
Quelle fut la conduite de Philis en ces dramatiques circonstances? Les uns assurent qu'elle apporta tous ses soins à mettre son château de Montmorin en état de défense; - d'autres qu'elle aida le marquis du Cambout et les gentilhommes venus pour lui prêter main-forle, à garder les défilés du Trièvcs, du Diois et des Baronnies(2) ; ceux-ci affirment, sans preuves, qu'elle défitles Barbets (?) en plusieurs rencontres; — ceux-là, soucieux de la vérité historique et reconnaissant qu'aucune dépêche officielle, aucune délibération consulaire des villes et des villages du Diois, des Baronnies et duGapençais, aucun document d'une authenticité indiscutable ne mentionne ses exploits guerriers, croient qu'elle a calmé les protestants justement
(1) Cahier des abjurations des habitants de la R. I*. 1t. de la Molle-Chu- lancon, G G 10, Archives municipales.
(2) Capilaine Perreaud, professeur adjoint d'art et d'histoire militaires à l'École de Saint-Cyr : Campagne des Alpes 169?, Câlinât cl l'Invasion du Dau- phiné, Paris, 1802, 82 pp. in-12.
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irrités des mesures iniques prises contre eux, depuis plu- sieurs années, qu'elle les a maintenus ce fidèles au roi, à la patrie, à l'honneur » et par ses sages recommandations les a détournés de se joindre aux envahisseurs.
Ce sontlà desimpies hypothèses. Les réformés n'avaient pas besoin de ses conseils pour (aire leur devoir : son crédit auprès d'eux devait être des plus restreints.
Nous sommes persuadé que son rôle pendant la campagne de 1092 a été des plus effacés.
Il est possible qu'elle se soit rendue à Paris en 1694. el que Louis XIV lui ait accordé une pension de 2000 liv. (1). Mais il est à remarquer que celte somme était prise sur la Régie des biens des religionnaires fugitifs, qu'elle fut d'abord allouée au père de Philis, puis, après la mort du marquis à sa lille (2) et au décès de celle dernière, à sa mère, alors âgée de 83 ans, ainsi que nous venons de le voir. Qu'a donc voulu récompenser le monarque? — « La piété autant que le zèle dont Mlle de La Charce avait donné des preuves depuis sa conversion à la religion catholique, pour le service du roi, en plusieurs occasions ». (Gazette officielle, 23 juin 1703).
À ce témoignage décisif, ajoutons cet autre qui n'est pas moins explicite et que nous renconlrons dans la ettre de recommandation adressée le 7 juin 1703, par h4 comte de Grignan, lieutenant-général en Provence, au ministre d'État, Chamillard, pour faire maintenirà Mme la marquise de La Charce la pension servie à sa lille. Il devait être fort instruit de la conduite de Philis en 1092, puisque Catinat l'avait chargé de garder, avec le marquis du Cambout, les passages, depuis les Baronnies jusqu'à Sis- feron.
(1) , Dangeaudit ces seuls mots, à la date du 9 août : «< Le roi a donne ces jours passés une pension de 2 000 livres à Mlle de La Charce. •>
(2) Archives du Ministère des AITaires étrangères : Etat de répartition des fonds de la Régie des biens des religionnaires fugitifs, volume 1853, pièce 127. — L'argent qui en provenait servait aux économats, aux hôpitaui catho- liques, à la réparation ou à la construction d'églises catholiques, à rachat de consciences faibles ou timorées parmi les protestants, à venir à l'aide de ceux qui avaient abjuré, etc. : Archives nationales, Carions des religionnaires fugitifs: TT, 314, Mémoire de l'Intendant Bouchu.
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« Monsieur,
« Je ne doute pas que le nom et la famille de M. le marquis de La Charce ne vous soient connus : c'est une maison aussi distinguée par son zèle pour la religion dopais leur conversion qu'elle l'est par sa qualité. Leur exemple jusques ici a soubslenu dans cetle contrée du Bas-Dauphiné, la foy des bons catholiques, comme il a esta, la confusion de ceux qui nont. fait que semblant de l'estre.Mm* la marquise de La Chai ce, la mère, âgée de quatre vingts ans est une personne d'un rare mérite. Monsieur sou (ils aîné a l'honneur d'eslre gentilhomme de la Chambre de Monsei- gneur le Prince(l). Le cadet a veu brûler dans les Cévenes par la fureur des phanatiques, une belle terre et la seule maison qui lui restoit(2). Celle famille, Monsieur, vient de perdre MUe de La Charce que l'on pouvoit regarder comme une espèce d'héroiue et à qui tous les services quelle a rendu* à la. Religion el au Roi, dans les pruniers rnowernens de la conversiond.es huguenots avoient attiré des bontés de Sa Majesté, une pension de 2000 francs.
« Pei mettez-moi, Monsieur, de joindre mes instantes prières à celles de cette famille qui s' st aHressée àmoy et dont je connois les grands besoins comme le mérite, pour obtenir du Roy la conlinuation de celle pension en faveur de Mm° la M. de La Charce, la mère. J'ose avancer qu'il est de la piété et de la charité de S. M. de soutenir des gens que l'on peut dire scslrc toujours signalés pour les interest de nostre Religion.
« Je suis avec beaucoup d'attachement et de respect,
« Monsieur,
« Votre très-humble et très-obéissant serviteur
« Grkinan (3). »
Le 1° Juin, à Grignan, 1703.
(1) Henri-Jules de Bourbon, prince deCondé.
(2) 11 s'agit du château des Plantiers, en Languedoc, appartenant à Uené- Scipion de La Tour, comte de La Charce, baron des Plantiers et d'Aleyrac. Ces terres étaient entrées dans sa famille, par le mariage, en 160 i, de son aïeul César de Gouverne!, depuis marquis de La Charce, avec Claude de Ginestoux, fille de Pierre de Ginestoux, baron des dits lieux et de Male- rargues, et de Claude do Mandagot.
(3) Archives Nationales. — Papiers du Contrôleur général, Liasse G, vu, 166. Dossier de M. de Grignan. Cette lettre est du 7 juin el l'on remarquera que le Placet qui l'accompagne et que nous avons cité, est du 8 : — Ce plaeet n'est pas écrit de la main de la marquise de La Charce, mais seulement signé d'elle. La lettre du comté de Grignan est aussi seulement signée de lui. Nous l'avons reproduite avec son orthographe comme le Placet.
Les grands besoins delà marquise douairière de La Tour La Charce étaient arrivés à un tel point que sa situation était voisine de la misère, comme nous l'apprennent les Délibérations consulaires deNyons. Comment, dès lors, sa fille aurait-elle pu équiper même un nombre restreint de tenanciers et faire l'achat de 200 chevaux, ainsi que le raconte gravement la légende?
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S'il reste encore l'ombre d'un doute dans l'esprit de nos lecteurs, nous les pr ierons de vouloir bien considérer que ces historiens consciencieux qui s'appellent La Plane (1) et Charronnet (2), dans les ouvrages qu'ils ont consacrés, l'un à Sisteron et l'autre au département des Hautes- Alpes, ne prononcent pas une seule fois le nom de l'héroïne et que M. l'archiviste actuel de Gap reconnaît que « les exploits de Philis ne sont établis sur aucun texte authentique » ; qu'enfin M. L'abbé Lèsbros (3), l'aimable et dévoué panégyriste de « cette autre Pallas » a répondu exactement ceci au savant Champôllion-Figeac démontrant dans ses Chroniques Dauphinoises (4), que ses exploits militaires sont du domaine du roman :
« Qu'importe un détail légèrement emphatique?... Où donc est le mal d'enfler un peu les belles act ions, de poétiser un peu les caractères, de flatter à l'occasion les portraits des grands personnages »?
A quoi le scrupuleux érudit a répliqué :
« fêvidemmont, nous ne voyons aucun inconvénicnltrès grave à cette manière d'écrire l'histoire, et c'est même la méthode la plus agréable pour les auteurs; mais il faut aussi permettre aux chroniqueurs moins épris du merveilleux de pouvoir dire : Le livre de M. Lesbros contient l'histoire d'une femme remarquable du xvne siècle, qui a rendu des services au roi et à la religion, par son influence sur les Nouveaux Convertis, mais dont les exploits guerriers appartiennent à la légende (5). »
Il nous semble que la cause est entendue : nous savons maintenant le genre de services que l'héroïne a rendus au roi, à la religion et à notre Dauphiné.
*
Ajoutons qu'à notre connaissance, il existe cinq por- traits de Philis de La Gharce : le premier peint par
(1) Ed. do La Plane : Histoire de Sisieron, Urée de ses archives. Digne, 1 2 vol. in-8". T. Il, p. i:t0.
(2) Charronnet : Les Guerres de religion et la s<>ci<:/é protestante dans les Hautes- Alpes (1560-1789;, Gap, 1861, 528 pp. in-8", livre m. p, 181.
(3) Abbé Lesbros : Mademoiselle de LaCharee, Paris, (î. Teqny, 1888, 1 vol. in-8- p. 180.
(4) Champollion-Figeao : Chroniques Dauphinoises, Vienne. ISSi. t. II. p. 298«
(5) Champollion-Figeac, op. cit., p, 2!);».
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l'illustre Mignard est en la possession de M. le comte de Chabrillan, au chûteau de Fontaine-Française; — le second est l'œuvre de Bonnard : à cheval, vêtue en ama- zone, sans armure et tournée à G.; dans le fond, des troupes en marche et un combat. Légende : Phi lis de La Tour du Pin La Char ce, fille du marquis de IAà C /tarée, lieutenant 'général des armées du Vtoy, laquelle en 169$, dans r irruption du dur do Savoy e en Daup/riné, fit arme/ sous les ordres du général de Câlinât les communes de son canton et sy estant mis à leur tête... 1()95, K. B. Del.; — 3°. — On a aussi du môme artiste une gravure de l'hé- roïne : en pied, debout, la main sur la hanche, la droite posée sur un cartouche à ses armoiries; dans le fond, un combat. (H. Bonnard, excud.) et au-dessous cinq vers latins et huit vers français en l'honneur de Phylis :
Cessez de nous vanter vostre gloire immortelle; Amazone, cédez. Phylis, par sa valeur, Ranime l'illustre Pucelle
Qui vangea nos aieux d'un insolent vainqueur.
Dans cette amazone nouvelle
Pallas recognoistroit tout son air, tous ses traits,
Ou du bonheur d'avoir mesme air, mesmes traits qu'elle,
Feroit ses plus ardents souhaits (l).
Un quatrième est du à Legrip, 1856, mesurant 2 m. 15 sur 1 m. 40 : « cette peinture a été retirée des salles pu- bliques du Musée de Versailles, comme composition sans autorité historique, au moment des récents remanie- ments, qui ont eu pour but d'assurer l'exposition en bonne place des documents authentiques de notre histoire (2) ». C'est cependant ce portrait que que l'on a choisi pour reproduire les traits de l'héroïne sur des milliers de cartes postales...
Un dernier est une lithographie sans aucune valeur iconographique et qui se trouve à la bibliothèque pu-
(1) Cette gravure fait partie de la collection de Hure, à la Bibliothèque na- tionale. On en a fait une belle photographie qui se trouve à Valence, à la Société de statistique et d'archéologie de la Drame.
(2) Note du distingué M. de Nolhac, conservateur du Musée de Ver- sailles (26 août 1906).
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blique de Grenoble. Cette ville a cru devoir donner le le nom de Philis de La Charce à Tune de ses rues.
On possède aussi une statue fort belle de la pseudo Libératrice. Elle est due au ciseau de Daniel Campagne, un sculpteur de grand talent.
Dans un but politique, autant que patriotique, M. Laurens, sénateur, maire de Nyons, avait formé en 1899 un comité et ouvert une souscription pour élever une statue à IMiilis. La somme recueillie et com- plétée par le promoteur du projet, s'éleva à 5 000 fr. et servit à payer l'artiste chargé de l'exécution de l'œuvre. La statue fut exposée au Salon de 1900 et fut très re- marquée. Un fondeur ayant été choisi pour la fonte moyennant une autre somme de 5000 fr. ce chiffre ne put être atteint, à cause du refroidissement de l'enthousiasme de la population mieux éclairée sur les prétendus exploits militaires de l'héroïne.
La statue, en détresse, paraissait ne devoir jamais orner le Champ de Mars de cette ville de province, quand, sur ces entrefaites, M. Laurens mourut. Nouvelles complications. Un procès était déjà engagé en 1901 entre les héritiers de ce dernier, Nyons et le fondeur, lorsque le représentant des premiers proposa à la municipalité de Grenoble de lui céder la statue au prix de 3 000 fr. , le surplus devant être payé par la famille Laurens et la ville de Nyons.
Comme M. le conservateur du Musée de Grenoble avait examiné à Paris le beau travail de Daniel Campagne et avait trouvé avec beaucoup de raison que c'était une œuvre d'art remarquable, il donna avec empressement un avis favorable au projet. — « Cette statue, en fonte de fer bronzé, mesure, dit-il, 3m. 25, depuis le sol jusqu'à la main qui tient l'épée. Le mouvement de l'héroïne, montée sur un cheval qui se cabre, est d'une superbe allure; l'exécution de cet ouvrage est parfaite jusque dans les moindres détails; l'ensemble est très décoratif (i). »
Après avoir entendu un rapport de M. Capitanl.
I Délibérations municipales de la ville do lirenoble, 9 octobre 1903
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professeur à la Faculté de droit, conseiller municipal, concluant à l'acceptation de la proposition présentée, ainsi quel'avaient décidé les commissions des Finances et de l'Instruction publique, la ville de Grenoble fit l'acqui- sition de la statue équestre de FMiilis de la Charce.
On assure qu'on la placera sur un des côtés du square de la Place dê la Constitution, c'est-à-dire près du Musée et de la Préfecture.
Et c'est ainsi qu'un jour viendra où noire brave peuple saluera de ses enthousiastes acclamations la pseudo Libéral rire du Dauphiné au préjudice de ceux qui versèrent leur sang pour la patrie et ajoutèrent une page glorieuse à notre histoire nationale !
André M ai lu et.
Documents
POÉSIES INÉDITES DE CLÉMENT MAROT
On connaît Y « Epistre d'Emtorg de Beaulieu à Clé- ment Marot, poète du Roy, pour lors résidant à Genève », publiée au tome 111, p.7i6 de l'édition Gutffrey et tirée de la « Chres tienne Réjouissance » (s. I. 1546 in, -8°). L'exilé, après y avoir tant bien que mal lié connaissance avec son nouveau frère d'infortune, fui vante en ces termes les cli armes de sa retraite champêtre :
Vien en vers moy ; car suis en un village Tout eircundé d'arbres, fueille et ramage, Là où je n'oy que cors de pastoureaulx, Voix de brelDys, vaches, bœufs et taureaulx. Mais plus nie plaict encore telle brayrie Que ne feroit toute la chantrerie Du Papegay de Homme ou Antéchrist Dont le baptesme as doctement escript.
11 ne semble pas qu'on ait accordé à ce passage toul son intérêt. Et pourtant, sans forcer le sens du texte le moins du monde, il paraît bien que le dernier vers d'Ëus- torg de Beaulieu fasse ici allusion à une œuvre de Clé- ment, où le poète aurait sans doute peint les cérémonies de la proclamation d'un pape sous l'image de celles du baptême d'un nouveau-né. Or aucune pièce actuellement connue de Marot ne répond à une telle donnée.
Toutefois, le hasard a mis sous nos yeux une poésie intitulée « lï un Monstre nouvellement baptisé », recueillie dans un manuscrit de la Bibliothèque Nationale el qui pourrait bien être le baptême du Papegay que rappelle notre auteur. Il s'agit du manuscril 22;>(>( > (fi\), premier tome d'un recueil de quatre volumes de pièces de vers,
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chansons, sonnets, triolets, sur les guerres de religion, formé pur le chirurgien protestant Russe des Nœux. Ces pièces concernent François llr, Henri 11, François 11, Charles IX, Henri III, Catherine de Médicis, Marguerite de Valois, le Cardinal de Lorraine, Lizet, Poyet, Dolet, Calvin, Marot. Les vers qui nous intéressent se trouvent au verso du folio 203, seconde colonne, h la suite d'une pièce intitulée « Les Papillons » ; la fin est au recto, pre- mière colonne du folio 205. Voici ce morceau, porté sur le munuscrit sans date et sans nom d'auteur :
Nouvellement ainsi qu'on a escrit
A Romme esl né pour tout vray l'Antechrisl
Et fut porté baplizer bravement
En grand triomfe imperiallement.
Premièrement pour sajie femme et bonne Allait devant une vieille matrone Qui faire en tout à sa mode présume Et se nommait, dit-on, dame Coustume.
Après marchait sapience mondaine Qui n'estoit pas en son aller soudaine Ains se portoit en meure gravité Avec maintien de grand sévérité Portant le sel pour l'enfant baptizer.
Puis cheminoit sans ça ne là vizer Tout bellement en saftre (1) courtoisie Le chef enclin Madame Hippocrisie, Semblant avoir de tout l'enfant le soin Et portait l'eaue pour servir au besoin.
Après suivait en grand'devolion De pas à pas sotte Imitation : L'Aube portoit failte de broderie Et enrichie avecques pierrerie, Tant que c'estoit une belle besongne Or tout autour « le feu à qui en grongne » Estoit escript pour la devise antique Bien proprement en lettre Hullatique.
Après mareboit en estât triumphant Abuz Parrain lequel portoit l'enfant ; Et Hérésie estant jeune pucelle Et Tyrannie ayant trongne cruelle
(1) Safre, saffre, orfroi servant d'ornement (Godcfroy, Dicl. del'anc. langue franc), c'est-à-dire la courtoisie couverte d'orfroi.
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Au près de luy çà et là se tcnoient Et par les bords le linge soustenoyent Lequel estoit comme j'ay entendu Dessus l'enfant jelté etestendu.
Erreur, après, ce bon seigneur goutteux," Tout contrefait, borgne, bossu, boytleux, L'autre Parrain pour l'enfant rapporter En plein chemin ne se pouvoil baster.
Après alloyent les deux commères gentes Qui à marcher sont assez diligentes, Dame Avarice et Dame Simonie Tenants propos et conférence unie Bien d'autre cas que du faist du Baptesme : A\oir de quoy, possible, esloit leur thesme.
Et lors suyvoient les bourgeoises Romaines Que l'on nommoit Traditions humaines; Ydolalrie et Blasphème y estoyent Qui d'un accord un cantique chantoyent Pour célébrer d'Antéchrist la naissance Et pour donner au peuple esjouissance Qui de ce cas n'estoit pas irrité.
En signe aussi de libéralité, Le Jubilé jadis bien cher vendu A tous sans pris fust partout espandu Si largement que bulles et pardons On pi isoit moins qu'orties et chardons
Or quand on vint à luy bailler le nom Nom qui luy fust d'un immortel renom, Un différent y eust non pas pelit Car un chascun selon son appétit Vouloit nommer l'enfant. Là bonne Mère Estoit d'avis qu'on l'apptdast St Père; Hippocrisie aussi la belle biffe, Eust bien voulu qu'il fusl nommé Ponlife. Mais les Parrains, puissants dominateurs, Luy donnoienl nom le Serf des Serviteurs ; Idolâtrie illec sans plus enquerre Voulait qu'il fut appelé Dieu en terre.
Le Prestre lors qui l'office faisoit El cest enfant Antéchrist baptizoit Voyant du nom la grand diversité Et le discord, de son autorité Luy qui estoit de nation golthique Luy imposa un nom fort aulentique Et quelque nom qu'on luy prononce ou jappe Il le nomma et meil en nom LE PAPE.
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Toile est la pièce. Elle est sans nom d'auteur, mais presque toutes les pièces de ce manuscrit sont anonymes. Le Balladin lui-même, que renferme le même recueil, est dans ce cas, à côté du « Grup » mis sous les initiales (( Cl. M. », ce qui esl nue exception. Enfin les vers que nous proposons peignent bien le baptême du Pape. Avec Eustorg de-Beaulieu on l'y nomme bien Antéchrist; le ton est parfaitement celui de Marot, et les nombreuses personnifications de ce passage nous rappellent la manière du Balladin et de la Complainte de Florimond. 11 n'est pas jusqu'à cette devise « le feu à qui en grongne » que nous ne retrouvions brodée, dans cette Déplora/ ion de Roberlet, sur le manteau de la grand'dame romaine. Airssi, à défaut d'une preuve irréfutable, nous nous con- tenterons de ces très fortes probabilités pour attribuer celte pièce au poète de l'Adolescence.
Ces vers constituent alors une œuvre capitale dans l'histoire des idées religieuses de Clément Marot: non seulement leur ton de polémique y est d'une hardiesse remarquable, mais encore la date et les circonstances où ils ont dû être écrits paraissent d'un intérêt réel.
Si nous considérons que l'épit re de Beau lieu est de 1543 et que la première œuvre de Marot à tendances réformées, la Complainte de Florimond llobertet, est de 1527, nous avons les deux dates extrêmes entre les- quelles nous devons situer noire pièce. Or, celle ci dul être composée à l'avènement d'un pape: entre 1527 et 1543, il n'y a de nouveau pontife qu'en 1534, année à laquelle nous lisons dans le Journal d'un Bourgeois de Paris : « En Septembre audict an mourut le pape Clément Septiesme, de poison, et fust esleu pape en son lieu canoniquement par les cardinaulx, le sixiesme Octobre ensuyvant audict an, Paul troisiesme de ce nom, et esl genevoys, et estoit d'aage environ quatre vingt ans ou plus. — Le vingt sixiesme jour d'iceluy moys, fust faict asçavoirpar les dixeniers de la ville de Paris, à la requeste du prevost des marchands et échevins, par les maisons qu'on feist les feux de joie aux careiburs de la ville de
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Paris, à cause de la nouvelle élection dudictPape Paul. » Ainsi, selon toutes vraisemblances, notre pièce serait d'octobre 1534, ce qui nous révèle dès cette époque une netteté et une hardiesse de pensée qu'on ne se plaisait à reconnaître en Marot qu'aux dernières années de sa vie, aux tristes heures du Bal lad in et de la Complainte d un pastoureau chrétien.
Ce n'est pas tout. De tels vers de Clément à une telle date éclairent peut-être bien un autre problème.
Tout d'abord, dans l'ordre du vingt-six octobre d'avoir à faire les feux de joie aux carrefours de la ville de Paris, nous ne sommes point porté à voir l'occasion de la pièce de Marot. En effet, dans son Journal, le Bourgeois de Paris écrit encore à l'année 1534 : « Environ le vingt-quatriesme jour d'octobre, furent affichez par hérétiques des placards contre le St-Sacrement de l'autel et honneur des saincls. » Or le vingt-quatre, si nous en croyons Marot et son épître à Couillart, le poète n'était pas à Paris. Il le répète d'ailleurs dans Fépître qu'il envoya de Eerrare au roi. Il était à Vauluisant, passa à Lorri, puis vint à Blois où il resta trois jours « aux dames devisant». Le vingt-six, Marot était donc à Blois, et comme le lendemain ou surlendemain il était obligé à un départ soudain, il put fort bien ignorer sur le moment la proclamation du prévost des marchands de Paris : tout au moins la précipilation de sa fuite et des soucis singulièrement graves pouvaient-ils lui ôter tout loisir de rimer. Le ton même de lapièceeut .été différent, si elle était soitie des mains du poète en exil ou traqué par la maréchaussée du roi. Si nous considérons en tin les deux premiers vers :
Nouvellement ainsi qu'on a escript
A Rom me est né pour tout vray l'Antéchrist.
Il semble bien qu'il faille placer la pièce à la suite de la nouvelle que dut recevoir la cour de la proclamation de Paul III, c'est-à-dire peu de jours après la première quinzaine d'octobre 1534.
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Or dans la seconde quinzaine sonl affichés les fameux placards, le dix-huit et le vingt-quatre, si nous nous en rapportons aux dires du Bourgeois de Paris. Cn connaît tous les sentiments de colère que l'événement souleva dans l'àme du roi. Entre autres mesures violentes, on promulgua une liste de soixante-treize luthériens qu'on sommait dtr rentrer à Paris sous trois jours, sous peine île bannissement cl du feu. Des soixante-rtreize noms, nous en avons quarante-huit. Les six premiers sont des prédicateurs: Pierre Caroli, maistre Jehan Le Rentif, frère François Berlault. Jehan Cotiraul, François Quar- tier, Mare Richard, puis Marot : il est le septième, tandis que Fevret n'est que le vingt-sixième, Lyon Jamet le qua- rante et unième. On perquisitionna enfin chez le poète à Paris, ses livres furent saisis, et la colère de François Ier fut telle contre son valet de chambre que celui-ci n'osa affronter sa présence :
A ta bouté je nTosay tant fier
Que hors de Bloys party pour à toi, Sire.
Me présenter, mais quelqu'un me vint dire : «
Si tu y vas amy, tu n'es pas sa^e ;
Car tu pourrais avoir mauvais visage
De ton seigneur. »
Ainsi pour vray m'écartai de la court.
La place toute spéciale accordée à (élément Marot dans les poursuites qui suivirent l'affaire des placards a tou jours paru quelque peu mystérieuse. Ne se trouverait- elle pas a-sez naturellement expliquée si. quelques jours auparavant, le poète a eu la hardiesse et la malchance de livrer aux seigneurs cl aux belles dames de la cour le manuscrit d'une pièce aussi compromettante que notre Baptême du Pape? D'autant plus qu'un esprit déjàprévenii contre Marot pouvait avec quelque vraisemblance Irouvcr un rapport entre ces vers et les placards, soupçonner même un de leurs auteurs possibles dans celui d'une telle satire. N'oublions pas en effet que les placards de 1534 commençaient ainsi: m J'invoque le ciel et la
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terre en témoignage de vérité contre cette pompeuse et orgueilleuse messe papale, par laquelle le monde, -i Dieu bientôt n'y remédie, est et sera totalement désolé, perdu, ruyné, abysmé. » Le premier article portait : Le sacrifice de Christ a été parfait <d ne doit jamais être réitéré par aucun sacrifice visible. Sont donc menteurs et blasphémateurs le pape et toute sa vermine de cardr- naulx. d'évesques et de prebstres, de moynes et autres caphards. diseurs de messes, el tout ceux qui y consen- tent. » Ces attaques des placards contre le pape pouvaient assez facilement rappeler au juge la pièce qui courait à la cour sur l'élection du nouveau Pontife.
En résumé, bien des raisons nous portent i\ croiiv que les vers du recueil de liasse des Nœux sont de Clément Marot. Si notre attribution e-t juste, il faut avouer qu'en raison de la date que nous sommes obligés de leur assi- gner, ils contribuent singulièrement à éclairer un point resté mystérieux dans la vie religieuse de Marot. les rai- sons des poursuites dont il fut l'objet en 1534.
R. Fromage.
DÉCÈS DE RÉFUGIÉS FRANÇAIS A GENÈVE DE 1681 A 1710
En consultant le registre mortuaire de Genève pour un autre travail, j'avais été frappé du grand nombre de décès de réfugiés français qui y sont consignés aux der- nières années du xvne siècle.
Ce n Livre des morts » n'est évidemment pas tenu selon les principes de la science démographique d'au- jourd'hui. Il est en particulier impossible d'en tirer aucun renseignement utile sur les maladies ayant causé la mort. Les diagnostics du visiteur des morts d'il y a deux cents ans ne peuvent être identifiés avec les n<>m< actuels de la pathologie. La seule maladie qui puisse être étudiée grâce n celte source de renseignements est la petite vérole.
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dont j'ai pu suivi e la marche à Genève ou rue basant presque uniquement sur le dépouillement du rôle mor- tuaire.
Ce registre donne des renseignements beaucoup plus précis sur la nationalité des morts : Quand il s'agit d'étran- gers, leur nom est presque toujours suivi de l'indication de leur lieu ou au moins de leur province d'origine. Les éléments nationaux ou en train de se fixer, de la popula- tion sont classés sous les rubriques : citoyens, bourgeois, natifs et habitants.
En dépouillant le registre mortuaire pour les vingt- cinq années qui ont suivi la Révocation, soit du 1' jan- vier 1686 au 31 décembre 1710, j'ai pu relever la men- tion d'un peu plus de 4 000 décès de réfugiés français sur un total de 19500 décès. Les réfugiés forment donc pour cette période de trente ans 20,5 pour 100 de la mortalité totale.
L'année 1688 est celle ou la proportion des décès de réfugiés fut la plus forte : 398 décès sur 998, soit 40 pour 100.
Ayant l'intention de donner plus tard des détails plus complets sur le Refuge à Genève après la Révocation, je me borne, pour aujourd'hui, à communiquer la liste des noms les plus notables rencontrés dans cette recherche. On trouvera donc dans les pages qui vont suivre les noms de réfugiés morts à, Genève entre 1681 et 1710 et apparte- nant à des familles de gentilshommes, de pasteurs, de magistrats, d'officiers, de médecins et d'hommes de loi. En outre, quelques noms notables ou honorablement portés aujourd'hui ont été relevés. Il va sans dire que l'orthographe des noms de personnes et de lieux est celle du registre.
Cette mine de renseignements n'a pas encore, à ma connaissance, été régulièrement exploitée. En particu- lier, M. H. Bordier, qui a dépouillé dans les archives genevoises, pour la seconde édition de la France Protes- tante, le registre des réceptions a l'habitation et une partie des documents de la Bourse française, ne paraît
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pas avoir utilisé le registre mortuaire. Il a probablement été rebuté par les lacunes et les imperfections que pré- sente ce registre pour l'époque du premier Refuge.
Avant de céder la parole au livre des morts, il ne me reste qu'à signaler la forte proportion de femmes et de vieillards que l'on va trouver parmi ces noms. Les hom- mes valides allaient plus loin gagner leur vie ou offrir leur épée aux ennemis de leur persécuteur. Ils laissaient à Genève, premier port de refuge, leurs vieillards et leurs femmes délicates.
Dr. Léon Gautier .
EXTRAITS DU REGISTRE DES MOUTS Réfugiés français notables morts à Genève de 1681 à 1710.
1681. — 20 janvier. Maurice, lils de Spectable Jean Arcbé, mi- nistre du St Evangile à Main en Daufiné, aagé de 5 ans, morl par accident, sa demeure à la Ci lé.
1er juillet. Damoyselle Elizabetb Dupuis, vefvede feu Monsieur Jean Huguelan, de Lyon, advocat, aagée de 56 ans.
1682. — 25 avril. Sieur Aymé Alérieu, de Montpelier, aagé de 16 ans. mort par accident d'un coup de pointe d'espéc au costé dr l'œil gauche, ayant esté traitté l'espace d'un mois.
1683. — 9 décembre. Noble Basile de Fonl'roide [dej Nismes, aagé de 63 ans, mort de lièvre continue, sa demeure en la rue d'Enfer.
1685. — 31 janvier. Sieur Rbené Mazal, de SI Jean de Cembre nu Vivaret, notaire, aagé de 55 ans, morl étique, sa demeure au liOgis du Mouton à Si Gcrvais, assisté de la bourse française. marge : levé un extrait pour le Sr Jean Mazal, son lils, le 17 juil- let 1723.)
21 février. Sieur Etienne Auger, de Besse en Daufiné, aagé de 46 ans.
19 septembre. Sieur Pierre Trossière, de Monlauban, Premier Régent dans l'Académie de Puy Laurcns, aagé de Î5 ans, mort de lièvre continue avec inflammation de poulinons.
1686. — 24mars. Samuel, fi 1 s de Noble Jean-François Tomassel et de Damoyselle Louyse de Bretigny, aagé de I" ans. morl d'apo- plexie.
16 mai. Sieur Eouys Rambo, Advoeal au parlement de (ire-
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noble, aagô de huictante ans, mort par défaut de nature, sa demeure au Chasteau Royal, assisté de la bourse Françoise.
21 août. Sarra, fille de Monsieur Charles Mauris, Ministre d'Es- guière en Provence et de Damoiselle Bartheleinie Naville, aagée de cinq ans, sa demeure rue de la Poissonnerie.
1er octobre. Sieur Jean de Leuzière, de St Jean de Gardonnenque en Languedoc, aagé de 63 ans, mort de fièvre, continue.
1687. — 19 juillet. Sieur Balthazard llibaut, d'Orange, chirur- gien, aagé de 31 ans, mort étique.
29 septembre. Sieur Charles Aniel de liiés en Provence, habi- tant, Ministre du Saint Evangile, aagé de 65 ans, mort clique?
10 octobre. Damoiselle Magdelaine Pelouse, de Nismes, aagée de 50 ans, morte étique, sa demeure en la Grand' Isle.
1688. — 10 janvier. Dame Claude de Comhellc, femme de Mon- sieur de Castillon de Beziers, aagée de 59 ans.
2 février. Damoiselle Marie de Mouron, lille de feu Noble Denis de Mouron et de Damoiselle Sicile d'Ësçoiiat., aagée de 21 ans.
18 février. Damoiselle Marie Favin, vefve du Sieur Pierre Doublet de Paris, aagée de 61 ans, morte du miserere.
10 mars. Sieur Jaques Vareille, de Lyon, aagé de 50 ans.
13 mars. Speetable Chavanon, de Vibron aux Scvenes, minis- tre du St Evangile, aagé d'environ 58 ans, mort de lièvre continue, sa demeure aux Barrières, assisté de la bourse françoise.
28 mars. Damoiselle Magdelaine D'Escarron, de Montélimar, aagée de 60 ans, morte de fièvre continue, sa demeure rue du Boule.
17 avril. Justine, lille du Sieur Alexandre llevrard de Grenoble et de Damoiselle Catherine Cherru, aagée de huict ans.
25 avril. Damoiselle Jeanne Guigner, vefve de Sieur Claude Turton d'Anonais en Vivaret, aagée de 66 ans.
30 avril. Sieur Toussaint Adamcourt, de Paris, marchand joaillier, aagé de 76 ans, mort par défaut de nature.
14 mai. Speclable François Murât, de Grenoble, Ministre du St Evangile, aagé de 58 ans, mort étique, sa demeure au Moulard, à la Roze .
8 juin. Damoiselle Marie Magdelaine Chomell, d'Anonay en Vivaret, vefve de feu Paul Tourton de Beaulieu en Vivaret apoti- caire, aagée de 32 ans.
15 juillet. Sieur Vincent Barraquier, maistre chyrurgien, de la Coste St André en Daufiné. aagé de 46 ans.
21 juillet. Sieur Pierre de Ferron, de Chateaunet en Dauliné, aagé de 40 ans.
10 août. Noble François d'Ebrard Seigneur de Mirreval en Languedoch, Capitaine, aagé de 33 ans, mort de lièvre continue, sa demeure au Moulard à l'enseigne de la Roze; et a testé parde- vant Egrège Grojean.
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20 août. Marie Calandré, femme du Sieur Pierre Villard advo- cat, de Clermont en Languedoc, aagée de 87 ans.
23 octobre. Monsieur Du Ferron. de Chasleaunay proche Vienne en Dauliné, aagé de 83 ans, mort par défaut de nature, sa demeure à St Gervais, au Chosteau Royal.
1689. — 6 janvier. Damoiselle Jeanne de llober, femme du Sieur Jean d'Aguabet, de Gabé dans le comté de Foix, aagée de 55 ans, morte bydropique, sa demeure en la rue des Cbanoines, assistée de la bourse françoisc.
7 février. Damoiselle Languiat de Bonjol, Vel've de Noble Charles de Caubet Seigneur de Falanot, aagée de 82 ans morte par défaut de nature.
5 mars. Damoyselle Marguerite fille du Sieur Pierre Margue- ritte, bourgeois d'Orléans, aagée de 27 ans.
7 mars. Sieur Claude Benguaron, de SI Lorent en Languedoc maistre Chyrurgien, aagé de 60 ans, assisté de la bourse Irançoise.
12 mars. Anne iille du Sieur Jean Knoch pasteur en l'église de Nismes et de Damoyselle Louyse Baciict, aagée de 15 ans.
13 mars. Sieur Michel Langlois cydevant Capucin, lils d'un Conseiller de Dijon, aagé de 60 ans, assisté de la bourse Irançoise.
24 avril. Sieur Jean Louys Nadal, de Lyon, marchand, aagé de 42 ans.
29 avril. Noble De la Pairière, Sieur de Beauregard, de Tom- bebœuf en Agenois,aagé de 41) ans, assisté de la bourse Françoise.
11 juillet. Damoiselle Anne Grimodet, de Blois, aagée de 23 ans.
11 août. Noble Jacob de Magalon, d'Ambrun en Dauliné, aagé de 28 ans.
11 septembre. Damoyselle Hélène d'Angïlbaut, Dame de Con- dorce en Daufiné, aagée de V6 ans.
29 septembre. Damoiselle Marie de Roque femme du SieurVigne- viel, d'Angiies, diocèse de St Ponts en Languedoc, aagée de 42 ans.
26 octobre. Sieur Louys de Guiraudet, d'Alais en Languedoc, estudiant en philosophie, aagé de 23 ans.
4 novembre. Noble. Cbarlemagne de Grimodet, de Blois, aagé de 54 ans.
30 décembre. Damoiselle Antoinette Charnier, vefve du Sieur Jean de Lion, de Montélimar, aagée de 70 ans.
1690. — 11 janvier. Aymé (ils de feu Speclablc Cîisar lley, Ministre du SI Evangile à Couche en Bourgougne et de Damoiselle Gabrielle de Choudan, aagé de 12 ans.
23 janvier. Magdelaine Clo, vefve de feu Sieur Nicolas, ministre du St Evangile à la Grave en Daufiné, aagée de 60 ans.
2 février. Anne-Magdelaine, fille de Sieur Qédéon Flour, minisire du St Evangile dans le Vivaret, et de Marie Rignol, aagée de 16 ans.
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5 février. Damoiselle Magdelaine d'André, de Varelte en Dau- liné, aagée do 34 ans, morte clique, sa demeure en la rue des Allemans, assistée de la bourse Françoise.
14 février. Suzanne Scion, femme de Jaques Broutier, de l'Aragne en Dauliné, aagée de 45 ans, morte do fièvre continue, sa demeure en la riie Verdaine, assistée de la Bourse Françoise. (En marge: levé un extrait le 9 janvier'1708 pour N. Gaspard de Permet marquis d'Arzillier).
18 février. Damoiselle Lucresse de Martinet, tomme de Mon- sieur de Montauiban de Gergais, de St Paul Trois Chasteau on Dauliné, aagée de 25 ans.
5 mars à 8 heures du matin. Sieur Josué Janavel, du Val Luzerne et Capitaine auxdittes Valées, aagé de 73 ans, mort hydi opique, sa demeure à la Magdelaine.
6 mars. Sieur Aymé de la Grange, de Couche en Bourgougno, aagé de 81 ans, mort par défaut dénature.
21 mars. Magdelaine, tille de Monsieur de Hemolin d'Àmbrun en Dauliné et de Damoiselle Elizabelh de Bardonnanche, aagée de sept ans.
29 avril. Damoiselle Marie Duras, de la Gresière on Vivarot, femme de Noble Anthoine du ïremolet, aagée de 40 ans.
15 mai. Anne-Marie, lille de Noble Anthoine de Belleau, d'Usés en Languedoc et do Damoiselle Catherine Nicolas, aagée de cinq jours, morte du malet.
24 mai. Damoiselle Catherine Arnaud, d'Ambrun on Dauliné, aagée de 13 ans.
5 juillet. Sieur de la Croisière, de la Beaufrère en Dauliné, aagé de 3(3 ans.
21 novembre. Noble François-Didier de Pluviane d'Ambel, Seigneur de Maille on Dauliné, aagé de 68 ans.
27 novembre. Damoiselle Jeanne de Costebelle, vcfve de Alexandre Gaignard, de Gap en Dauliné, réfugiée, aagée de 50 ans.
1691. — 8 janvier. Sieur Salomon Girod, de Grenoble, aagé de 96 ans.
6 février. Sieur Anthoine Maurice, d'Orange, Capitaine, aagé de 78 ans, mort d'apoplexie, sa demeure à St Gcrvais. (En marge : levé un extrait pour MM. Maurice d'Orange le 14 juin 1724.)
16 février. Sieur Claude de Monlallier en Languedoc, aagé de 36 ans.
25 mai. Damoiselle Marie, lille de Noble Abel Piozet Sieur de laVallette et de Damoiselle Marie Babault, de Priïillyen Touraine, aagée de 45 ans.
16 juin. Laurent, lils du Sieur Jerosme Olivet Receveur du Roy à Nismes en Languedoc, et de Damoiselle Marguerite Guiraud, aagé de 18 ans.
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5 août. Darnoiselle Marin, lille de Noble Piozet de la Hausset et de défunte Darnoiselle Marie de la Vallette, de Pruilly en Tou- raine, aagée d'environ c25 ans. Et a testé par devant Egrège Joli.
24 septembre. Charlotte, lille de Noble Jaques Souchet, Sieur de Moret et de ])ainoiselle Charlotte Amiot, aagée d'un an.
3 novembre. Judith Savornin, vefve de feu Speclable Pierre Maurice Ministre du St Evangile en l'église de Lourmarin en Pro- vence, aagée de 70 ans.
26 décembre. Marie de Grégoire, vefve de Speclable Pierre du Masse ministre de l'Eglise de Venues en D'Aufiné, angée d'environ 60 ans.
27 décembre. Jaqueline Guenaud, vefve de Speclable Pierre Amiot, Docteur Médecin, de Gien-sur-Loire, angée de 69 ans.
1692. — 21 janvier. Speclable Estienne Villardé-t, de St Valieren Dauliné, advocat au parlement de Grenoble, aagé de 43 ans. \ testé par devant Egrège Comparet.
6 février. A esté apporté mort en ville le corps de Noble Sam- son de SI, Laurent de Martinet, natif de St Paul Trois cliasleaux en Dauliné, de Vevay pour eslre cnsevely en ceste ville au cemetière de Plainpalais, estant aagé de dix ans.
7 février. Sieur Pierre Yillion, de en Vivaret, Lieutenant Colonel de Cavalerie, aagé de 73 ans. Et a lesté par devant Egrège Fornet.
9 mars. Darnoiselle Estherde St Julien, vefve du Sieur Jean-Louis Masset, gentilhomme, de Condorseten Dauliné, aagée de 76 ans.
15 avril. Darnoiselle Olympe de Kalstat (?), vefve de Noble Reynaud de Baron, Sieur de la Mauriace (?), gentilhomme de Nions en Dauliné, aagée de 63 ans.
25 avril. Estienne, lils de Speclable Daniel Guyraud, de Nismes en Languedoc, fidèle M. du St Evangile, et de Louyse Baciiet, aagé de douze ans.
4 mai. Darnoiselle Magdelaine, fille de Noble Jean de Bar, Baron de Moissac en Guienne, et de Darnoiselle lsabeau de Eaure. aagée de seize ans.
8 mai. Pernetle Dufour, vefve de Speclable Charles Agniel f. ministre de l'Evangile, habitant, aagée de 60 ans.
3 juillet. Darnoiselle Olympe de Boussel, femme de Noble Seigneur de Boulayde (?), Sieur de Peyremeins près de Castres en Albigeois, aagée de 30 ans.
18 juillet. Darnoiselle Isabelle de Bresmondc, vefve de Noble Seigr Charles de Bourgeois, Sieur de Monlferrier, Maislre de camp de cavalerie, aagée de 50 ans.
lpr août. Charles lils du Sieur Théophile Morisse en marge Maurisse), de Lourmarin en Provence, réfugié, docteur en méde- cine, et de lsabeau Matthieu, aagé de deux ans.
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3 août. Noble Jean Veyres, Seigneur du Buy, de Cïialançon en haut Vivaret, aagé d'environ 52 ans.
12 novembre. Noble Antboine de Tresinoullel Seigneur de Chassère au bas Vivaret, aagé de H7 ans, mort hydropique, sa demeure en la Une de Goutance, assislé de la bourse Françoise.
1693. — 13 janvier. Sieur Mari in de la Bcssère, gentilhomme, d'Alais en Languedoc, aagé de 60 ans.
9 février. Speçtable Jean Pistord, docteur médecin, de Gex, aagé de 70 ans.
29 mars. Damoiselle Marie de Savournin. vefve de Noble Claude Deferron, de Cbasteaunay en Daufiné. aagée de 85 ans, sa demeure au Cliasteau Royal.
31 mars. Marie Levral, vefve de Marin du Cré, de Collonge soubs La Cluze, laboureur, aagée de J04 ans, morte par defaul de nature, sa demeure au Perron.
29 juin. Speclable Paul Borelli, de Nismes en Languedoc, doc- teur médecin, aagé d'environ (H) ans, mort e tique et hydropique, sa demeurecn la rue de la Cité, et a testé par devant Egrège Fournet.
14 juillet. Paul, tils de feu Noble Paul de Mainvilliers, gentil- homme, de Mets en Lorraine, et de Damoiselle Marie de Grosjeux, aagé de °J0 ans.
15 juillet. Noble Jean de Paine, Baron de Pouquarel aux Sevencs. aagé de 53 ans.
19 août. Damoiselle Elizabelh de Bresmond, vefve de Noble [Pierre?! D'Armand, Conseiller du Roy au parlement de Grenoble, aagée de 80 ans.
18 septembre. Olympe Gaignaire, vefve de Speclable Jean Gelin, de Chaumont en Dautiné, médecin, aagée de (i() ans,... assistée de la bourse françoise.
20 septembre. Gabriel, (ils de feu Speclable Antboine De Maffé de Vennes en Dautiné, advocat, et de Damoiselle Lucresse Citron, aagé de 15 ans, sa demeure à l'enseigne de la Sireine.
2 novembre. Jeanne Rançon, vefve de feu Louis Tourlon, notaire royal, d'Anonay en Vivaret, aagée de 85 ans.
11 décembre. Samson, tils de Noble Christophle Hardy Seigneur de Beaulieu et de défunte Damoiselle Guichard, aagé de 19 ans.
14 décembre. Jean-Anthoinc, tils de Nob. Anthoine Boeslaud d'Uzès en Languedoc et de Damoiselle Catherine Pujolas, aagé de deux mois, mort du malet (convulsions).
1694. — 12 février. Sieur Jaques Lhommeau, Sieur du Pont de Syvray en Poictou, Réfugié, aagé d'environ H5 ans.
21 février. Damoiselle Susane-Marie, vefve de Noble et Spec- lable Jaques Marschal Sieur de la Croix, f. m. du St Evangile de Dorpierre en Dautiné, aagée de 50 ans.
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21 mars. Damoiselle Gabrielle de Choudens, vefve de Spectable Ciisar Uay, de Hives en Dauliné, 1". m. du St Evangile de Couche en Bourgogne, aagée de 50 ans.
30 mars. Marc, fils de l'eu Spectable Gassar Rey, f. m. du SI Evangile de l'Eglise de Couches en Bourgougne et de défunte damoiselle Gabrielle de Ghoudens, aagé de 31 ans... Et a testé par devant Egrège Fornet.
17 may. Damoyselle Louyse Borel, vefve du Sr Cœsar Revol de Die en Dauliné, Capitaine de Cavalerie, aagée de 68 ans.
12 juillet. Sieur Michel Dulac, Juge Principal au Seneschal d'Usèz, nagé de 69 ans.
30 juillet. Jaques, lils de feu Sieur Jaques de Rochemond, de Couches en la duché de Bourgougne, Capitaine au Régiment de Montauban en Piedmont et de Damoiselle Marie Bernard, aagé de onze ans, mort de la petite vérole.
6 octobre. Françoise Mollery, femme de Spectable David Fressinel, f. m. du St Evangile d'Anduse au haut Languedoc, aagée de 50 ans.
1695. — 29 janvier. Damoiselle Jeanne de Germes, vefve de Spectable Matthieu de la Roque, Ministre du SI Evangile en l'Eglise de llouen, aagée de 75 ans, morte élique, sa demeure en la rue des Chauderonniers. Et a lesté par devant Egrège Gros- jean.
8 mars. Jean-Louys, fils de Noble Jean de Genaz Sieur de Bcaulieu, d'Uséz en Languedoc, et de Damoiselle Toinetle Gassaud, aagé de huict jours.
14 mai. Vincent, lils de Spectable Benjamin de L'Amande, doc- leur médecin, de Crest en Dauliné et de Damoiselle Marie d'Aleond, aagé de six semaines.
27 juillet. Damoiselle Jeanne de Bonne, vefve de Noble Charles d'Arbarestier Seigneur de Montclar en Dauliné, aagée d'environ 95 ans, morte par défaut de nature.
1696. —5 janvier. Salomon Moellon, Sieur delà Mouillière, aagé de 78 ans.
7 janvier. Noble Anthoine Boesleau, gentilhomme, d'Uséz en Languedoch, aagé d'environ 45 ans.
22 janvier. Alexandrine Sabattier, vefve de Noble Anlhoine Maurice, d'Esguière en Provence, Capitaine, aagée d'environ 67 ans.
5 mars. Gabrielle lille de Spectable David Freschinet d'Anduze en haut Languedoc, f. m. du St Evangile, et de défunte Françoise Mollcri, aagée d'environ \A ans.
15 mars. Damoiselle Marthe, tille de Noble Jean-François de Bon, de Farges au pays de Gex, et de Damoiselle Louyse de Poncet, aagée de douze ans.
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23 avril. Damoyselle Olympe Portai, femme de Noble Laurent de Cephise, de Donserre enDaufiné, aagée d'environ 44 ans,
6 mai. David, lils de Noble Jaques Vial, gentilhomme de D'Ail Ion en DauQné, et de Damoiselle Catherine Boultier, âgé d'environ vingt ans.
22 mai. Speclable Jean de la Porte, de Saint-Jean de Gardon- ningues en haut Languedoc, f. m. du Sl-Evangilc aagé d'environ 55 ans. *
16 juin. Damoiselle Magdelaine femme de Noble de Ge- neyiargues, d'Anduze en Languedoc, aagée d'environ 44 ans.
26 juin. Anthoine, lils de feu Noble Uhené de Roehemond, de Couchesen Bourgogne, capitaine d'infanterie, el de Mari»1 Bernard (âge non indiqué).
27 juin. Speclable Pierre Dodet, advocat, de Nismes en Lan- guedoc, aagé d'environ 81 ans.
1e' juillet, Damoiselle Justine Matthieu, femme de Noble Marc de Beau Jiepaire en Daufiné, aagée d'environ 30 ans.
16 juillet. Catherine, fille de Spectable Jean Tendon de Mont- pellier, f. m. du St-Evangile, et de Damoiselle Marguerite Loze, aagée de cinq sepmaincs.
5 octobre. Claude, fils de feu Speclable Gros, docteur en mé- decine, de Die en Dautiné, advocat, et de défunte aagé d'envi- ron 35 ans.
5 octobre. Damoiselle Catherine Morin, femme de Speclable Jean Payan, de St-Paul Trois chasleaux en Dautiné, advocat aagée de 36 ans. A testé par devant Egrège Morell.
6 décembre. Magdelaine Guyraud, vefve de Pierre Viard, de Sommières en Languedoc, capitaine de cavalerie, aagée de 60 ans. Et a testé par devant Egi ège Fornet.
21 décembre. Damoiselle Marguerite Buve, vevfve de Noble Verderine, Conseiller au siège présidial de Montpellier, aagée d'en- viron 71 ans.
1697 — 2 janvier. Ësther, lille de feu Spectable Samuel Du Clos, docteur médecin, de la ville de Mets en Lorraine, et de défunte..., aagée d'environ 60 ans. Et a testé par testament holografe.
2 janvier. Alix, lille de feu Spectable Jaques Canet, advocat, de St Ciergue en Quercy, et de défunte..., aagée d'environ 50 ans.
12 janvier. Damoiselle Anne Falaisau, vefve de Spectable Joseph Falaiseau, advocat au siège présidial de Tours en Touraine, aagée d'environ 80 ans, morte par défaut dénature.
1er mars. Magdelaine, fille de Noble Louys de Yignoles de Nismes en Languedoc, et de Damoiselle Louysc d'Aubais, aagée de 9 ans.
25 avril. Isabeau, lille de feu Spectable Jean Thier f . m. du
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St-Evangilc d' Ambrun en Daufiné, et de Marie Toulouson, aagée d'environ 22 ans.
1er juin. Spectable Jean ftuffier, f. m. du St Evangile en l'Eglise de Molinc en Daufiné, aagé d'environ 70 ans.
25 août. A esté apportée morte en ville Damoiselle Jusline de Payan, vefve de Noble Laurent de Martinet, Seigneur de ïtossard, aagée d'environ 55 ans, morte d'apoplexie à Nyon.
2 septembre. Damoiselle Françoise Marie, fille de Spectable .lacob Jautbial, advocat, de Cbâlons-sur-Saône, et do Espérance Hermet, aagée d'environ 17 ans.
28 novembre. Damoiselle Lucresse de Montbrun, vevfve de Noble Alexandre marquis de la ("baux, aagée d'environ 50 ans, morte de la petite vérole.
1er décembre. Sieur François Favier d'Anduze en Languedoc, Ingénieur et entrepreneur d'ouvrages de fortification pour le Roy, aagé d'environ 67 ans. El a testé par devant Egrège Morell.
3 décembre. Damoiselle Marie de Caumont, femme de Noble et Spectable François de Jousseau, advocat en la ebambre de l'édictde Castres en Albigeois, aagée d'environ 42 ans.
1698. — 22 janvier. Noble et Spectable François de Jousseau, advucat en la ebambre de l'édict de Castres en liant Languedoc, aagé d'environ 70 ans. Et a lesté verbalement.
16 février. Damoiselle Anne Vassol vefve de Spectable Lazare Bonneau, advocat, de Châlons-sur-Saône, aagée d'environ 84 ans. Et a testé pardevant Egrège Morell.
23 février. Damoiselle Catherine Folcbiér, vefve de Spectable Noël Dupuy, de Vans en Languedoc, diocèse d'Usés, advocat au Parlement de Thoulouze, aagée d'environ 49 ans. Et a testé par devant Egrège Coin pa tel.
19 mars. A esté apporté mort en ville Robert, fils de Spectable David Hugues, Sieur de Benivins '■(?), advocat de Grenoble, et de Anne Pelosse, aagé de cinq sepmaines.
21 mai. Alexandre, fils de Spectable Benjamin de la Mande, de Creslen Daufiné, docteur médecin el de Damoiselle Mai ieFredollet, aagé d'environ 18 ans, mort par accident arrivé par un coup d'ar- quebuze au Plainpalais.
27 mai. Egrège Antboine Girod, de Roman en Daufiné, cy devantprocureurau parlement de Grenoble, aagé d'environ 84 ans.
30 juin. Damoiselle Marie de Sillot (?), femme de Noble Marc de Yesc, gentilhomme, de LorioJ en Daufiné. aagée d'environ 52 ans. (En marge • levé un extrait le 17 octobre 1738 pour Ma- dame Marsani (?) de Fonjuliane.)
2 août. Damoiselle Marie de Falaiseau, vefve du Sieur Jaques Gautier de Paizy, de Mois sur Loire, aagée d'environ buielante quatre ans.
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14décembre. Damoisclle Marguerite Armenaud, vefve du Sieur Pierre Marguerite, d'Orléans, Partisan dans los alîaires du lioy, aagée d'environ 78 ans. Ml a lesté par devant Egrège Grojean.
1699. — 22 janvier. Spectable Jaques de Mesianne, Sieur do Badone (?), f. m. du St Evangile on l'Eglise en bas de Langue- doc («à'), du dioceze de Nisines, aagé d'environ 75 ans. A lesté par devant Egrège Bedevole.
9 avril. Danioiselle Jeanne-Marguerite, lî lie de Noble Henry de Martine, Seigneur de Sargy au pays de Oex, el de Danioiselle Juliane-Calherine D'Amon, aagée d'environ dix ans.
24 avril. Danioiselle Marguerite Gautier, vcfve de Noble... de Bourneau (?). Présidant à Saurnur, îiàgéo d'environ 8(1 ans. A testé par devant Egrège Martine.
23 mai. Danioiselle Françoise, tille de Noble Antboine de la Maiia, de Condorsel en Dauphiné, el de Damoiselle Oliinpe de Qualica (?), aagée d'environ 35 ans.
30 juin. vYnne tille de feu Spectable Pierre De Massé t. ni. du SI E. en l'Egl. de la Vallée de Quairas en Dauphiné, et de defluncle Demoiselle Marie de Grégoire, aagée d'environ 28 ans, assistée de la bourse françoise.
5 août. Danioiselle Judith de ttafelis, vefve de Noble Alexandre de FilloI, de Monleliniar en Dauphiné, aagée d'environ 5°2 ans. Et a testé par devant Egrège Joly.
30 août. Pierre-Charles, îils de Noble Cacarde Rigaud Sieur de Montioux proche de Montlimar, et de Danioiselle Judith de Pontcherra, aagé d'environ 3 ans.
30 août. Marie de Bossel (ou Bossel), femme du Sieur Cassai1 de la Marre, de Meints en Daufiné,- capitaine d'infanterie en Ho- lande, aagée d'environ 56 (ou (16) ans. Elle a testé par devant Egrège Joly.
1er septembre. Noble François Oudde, gentilhomme Bretlon, aagé d'environ 74 ans.
11 septembre. Danioiselle Jeanne, fille du Sieur Jean Roch Lieutenant du Gouverneur du Chasteau de Gcx, et de défunte Jeanne-Antoinette Rouph.
13 novembre. Pierre-François, fils du Sieur Jean-François de la Picardière, de St Marcelin en Dautiné, Réfugié, et de Danioiselle Lucrèce de Montauban de Villars, aagé de 8 jours.
14 décembre. Danioiselle Magdeleine, fille de feu Noble Jaques De Durand, Président à Orange, Seigneur de Riconnières, Pont aux ails (?) et autres lieux, et de Danioiselle Jeanne de Jouberl, aagée de 65 ans, a testé.
1700. — 4 janvier. Danioiselle Françoise de Vignole, vefve de Noble Jaques de Bocslau, de Nimes en Languedoc, Seigneur de Castelneau (âge non indiqué).
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7 janvier. Damoiselle Anlhoinelte Du Verney, femme de Noble de Cannelle, de Mêmes au haut Languedoc, dépendance de l'Evesché d'Alèz, Seigneur de Baletlier, aagée d'environ 55 ans, sa demeure au Moulard à la Rose.
10 avril. Noble Jean Caze de Montpellier, gentilhomme, aagé d'environ 92 ans, mort par deffaut de nature, sa demeure à la Cour de St-Pierré.
10 mai. Marguerite De Juste, vefve de Spect. Desahut, Docteur Médecin, de StÀnthonin en Guyenne, aagée de 57 ans.
21 août. Noble Jaques D'Horte, gentilhomme, de Beziers en Languedoc, réfugié, aagé d'environ 50 ans.
9 octobre. Damoiselle Susanne Deplanche, veve de feu Spec- table Osiata Bernouin, advocat, de Montelimar, aagée d'environ 80 ans.
9 novembre. François Desmaretz, ministre du St Evangile en l'Eglise d'Alez au Haut Languedoc, aagé d'environ s5 ans, mort d'hydropisie joint la vieillesse a testé olographiquement.
N. B. Toutes les dates ci-dessus sont données vieux style. Elles sont donc de dix jours en retard sur le calendrier usité en France jusqu'au 28 février 1700 et en relard de 11 jours pour les dix derniers mois de 1700. Les dates qui suivent sont données d'après le nouveau style grégorien entré en vigueur à Genève avec le nouveau siècle, soit le 12 janvier 1701.
1701. — 20 janvier. Jean-Jaques, fils de Jean-Jaques Soulier, de Ganges, Capitaine au service du Roy d'Angleterre, et de Dlle Isa- beau De la Cour, âgé de 3 jours, mort de convulsions.
22 février. Uranie Roman, vefve de feu Sr Getteau, de Die. Capitaine au service du Roy en France, âgée de 65 ans.
5 mars. Flizabeth, fille de Noble François de Mallelargues et de Demoiselle Françoise de Monceau, de Languedoc, âgée de 23 ans.
1er avril. Nicolas Chaumel, de Paris, Maître sculpteur, aagé d'en- viron 55 ans Assisté B. Fr.
12 avril. Anne De Bougnot, vefve de Spect. Jean Berne, advo- cat, de Valence en Daufiné, aagée de 85 ans, morte de décrépitude.
5 juillet. Samuel-François Janlial, (ils de Spect. Aymé J an liai, de Chalon sur Saône, docteur médecin, et de Marguerite Gravier, âgé de 15 ans.
22 août. Claudine de Suffise, vefve de Aymé de Ferréul, Sr du Mas, de Montelimard, âgée de 60 ans.
26 août. Jeanne Bitri, vefve de No. Philippe •Christofle De Livron De Brue, pays de Gex, âgée de 78 ans
1702. — 1er décembre. Damoiselle Jeanne Guiraud, femme de Noble Claude d'Albenas, de Nismes, âgée de (il ans.
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7 décembre. JV1. Jaques Bouvière, ministre du Si Evang, d'Ales en Languedoc, âgé de 64 ans.
1703. — 7 janvier. Demoiselle Judith de Bardonnancc, vefve de Mr Pierre Guichard, de Trièves en Dauphiné, agécde 77 ans.
21 mars. Mr Pierre Fise, docteur on droict, do Montpelier, âgé de 75 ans.
16 juin. Demoiselle Françoise De Vignole, fi Ile de Noble Louis De Vignole, de Nirncs, el de Demoiselle Madeleine de Ba- setris, âgée de 12 ans.
16 juin. Noble Louys d'Àubais, marquis, do Languedoc, âgé de 57 ans. \ lesté par Egrège Beddevole.
25 juillet. Àndrienne Tandon, lillc de Spectable Jean Tandon, Réfugié, Minisire du SI Evang., et. de Marguerite Lauso, âgée d'environ 5 ans.
12 août. Demoiselle Elisabeth Capon, vefve de Noble Antoine de Ricard, de Montpellier, âgée de (>8 ans.
30 août. Sr, .laques Charnier, de Montélimart. âgé de 60 ans.
30 août. Jaques Marquis, lils de Mr Jaques Marquis, avocat, d'Orange, et de Dlle Marthe Pelet, âgé de 2 ans, mort de la petite vérole,
1" octobre. Damoiselle Françoise Rosel (ou Rosel), vefve de feu Speclable François Malle, de SI Hipolite, ministre du SI Ev., âgée de 78 ans.
12 octobre. Paul, lils de feu Mr Pierre Tremolièro, de Paris, et de Dam«>i-elle Susanne Joissin, âgé de 15 ans.
11 novembre. François, lils de Mr Gabriel Convenant, Conseil- ler, d'Orange, et de Damoiselle Elisabeth Debenicroix, âgé de de 4 ans, mort de la petite vérole, à la Chasse Roiale.
20 novembre. Noble Jean De Bar, Réfugié, Baron de Mausac, âgé «le 63 ans.
20 novembre. Sr Jaques Soulié réfugié, capitaine, de Gange en Languedoc, âgé de 55 ans.
27 novembre. Demoiselle Anne De Richaut, vefve de Noble Barthelemi De Marole, de V i tri le François, âgée de 30 ans.
1er décembre. Anne Delapile. vefve de Mr Gabriel Dédier grefier au parlement d'Orange, âgée de 51 ans.
1704. — 20 janvier. Dame Madeleine deBrignacde Monlarnaud, vefve de Messire Jean de Balthazard, de Simmern au Palatinat, âgée de 76 ans.
21 février. Demoiselle Marguerite de Durand, vefve de M. Jean Louis Delalonl, gentilhomme, de Nion en Dauphiné, âgée de 68 ans,
9 avril. Demoiselle Toinette Renaud, femme de Mr André Coregn. médecin, d'Orange, âgée de 48 ans.
10 avril. Susanne Jartou, vefve de Mr Pierre-Anlhoinc Girod, Ministre du St Evangile de Serre en Dauphiné, âgée de 66 ans.
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12 avril. Mr Bonoist de la Reail, réfugié, advocat, de Beaulicu en Poictou, âgé de 71 ans.
26 avril. Madame Jeane Defrère Dubartas, femme de Noble D'Aslor de Monbartier, Colonel, proche de Montauban, âgée de 65 ans.
1er mai. Madame Louise Dingairesque, vefve de Messire Charles De Vignols, vicomte de Courmonlaral en Languedoc, âgée de 70 ans.
9 mai. Alexandre de Mallerargue, (ils de Noble César de Mal- lerargue, marquis, de Languedoc, chambellan et général-major du Roy do Pologne, et de Madame Louise Do .lugos, âgé de 16 mois.
17 mai. Mr Vincent Vial, réfugié, avocat au parlement de Gre- noble, âgé de 85 ans.
31 mai. Demoiselle tësther Declave, vefve do Mr Jaques Lou- mau Sr Dupont du bourg de MaDieu en Poictou, âgée de 7(j ans.
7 juillet. Sr Paul Volet, réfugié, avocat, de Nismes, âgé de 79 ans. A testé par devant Egrège Pournol.
15 juillet. Demoiselle Madeleine de Bonniot, veuve de Noble Gaspard Etienne de Morar Seigneur de Cleles en Dauphiné, âgée de 68 ans.
1705. — 16 janvier. Mr Jean Sorin, réfugié, ad vocal, de Nismes' âgé de 77 ans.
12 février. Demoiselle Jeanne Polisson, veuve do MrDeRapin, de Montauban, advocat au parlement de Toulouze, âgée de 80 ans.
22 mars. Madame Madeleine de Vigniol, réfugiée, de Cornon en Languedoc, veuve de Mr Pierre de SI, Vcran, Conseiller au Par- lement de Toulouze, âgée de 63 ans.
5 mai. Demoiselle Anne-Marie Derval, veuve de Mr Crassel, habitant de Lyon, âgée de 80 ans. A lesté par devant Mire Girard.
21 juin. Sr Louis Say, réfugié, de Nimes en Languedoc, âgé de 53 ans.
1706. — 18 mai. Demoiselle Marguerite de Houx, veuve de Mr Jean De Baudan, de Nîmes, âgée de 6o ans.
25 août. Sr. Laurent Domergue, de Monlpelier, âgé de 86 ans. 12 octobre. Demoiselle Madeleine Heinaud, tomme de Mr Jean Vigut, major de la garnison d'Orange, âgée de 58 ans.
1707. —22 février. Marie de SI Laurent, tille de Noble Louis de SI Laurent, Conseiller au parlement d'Orange, et de Dlle Judit do Sozin, âgée de 30 mois.
21 juillet. Demoiselle Galcrine Capilel, femme de Mr Vincent Ardin Seigneur de Clavillière, âgée de 79 ans. A testé par devant Egrège Deharsu.
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1708. — 29 février. Demoiselle Marie Devinay, vefvc de Mr An- toine Bourget. M. du St Ev., d'Anonay, âgée de 76 ans.
7 juin. Mr Laurent de Soulizc, réfugié, de Donzer en bas Dauphiné, âgé de 60 ans.
13 août. Demoiselle Marguerite Devinay, veuve de Mr Antoine Laurent, Docteur médecin, d'Anonay, âgée de 74 ans.
21 octobre. Spectable Alexandre Devinay, d'Anonay, M. du St E., âgé de 71 ans.
13 novembre. Demoiselle Jeanne Bourely, veuve de Noble Jean- Etienne de Chossegros, vivant Soigneur de Mimet en Provence, âgée de 66 ans, a testé par devant Mtre Beddevole.
1709. — 13 janvier. Spectable Etienne Aunel, d'Orange, M. du St E., âgé de 7i ans.
19 janvier. Demoiselle Laure de Lange de Monmiral, femme de Noble Pierre de Beaucastel, de Gourtaison principauté d'Orange, âgée de 78 ans.
12 février. Jeanne Dupont, veuve de .... Soleil, M. du.St E., du Vigan en Languedoc, âgée de 70 ans, assistée à laBourcefr.
2 mars. Suzanne Felchère, veuve de Claude Koberty, de Vans en Languedoc, âgée de 60 ans.
8 juin. Demoiselle Anne de Restauran, veuve de Mi" de la Tour de Laleau, de Montélimard, âgée de 67 ans, a testé devant Mtre...?
29 juillet. Jean-Daniel Vergne, fils de Spectable Charles Vergne, M. du St Ë. (de Montauban), et de Marie Connel, âgé de 13 ans, mort de convulsions avec lièvre à l'Hôpital françois (dont son père était aumônier).
1er décembre. JeanRomagnac, lilsdeSpect. Hugues Romagnac, habitant, Min. du St Ev., et de Pernette la Combe âgé de U jours, n'étant né à terme.
3 décembre. Pernelte La Combe, femme de Spect. Hugues Romagnac, habitant, M. du St Ev. et Régent de la 1ère classe, âgée de 35 ans.
1710. — 24 mars. Noble Gaspard de Perinet marquis d'Arze- liers, de l'Aragne en Dauphiné, âgé de 65 ans, mort d'une gan- grène à la jambe et au pié... A testé par devant M0 Girard. (En marge : Levé un extrait le 9 mai 1710 pour Dame Marie Hardy sa veuve.)
17 décembre. Sr Gilles Desgatine, d'Alançon en Normandie, âgé de 81 ans, a testé par devant Mtre Eornet.
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Mélanges
QUAND BOLSEC COMIYIENÇA-T-IL A CALOMNIER CALVIN?
Ayant dû, à l'occasion de conférences sur Calvin, exa- miner d'un peu près les accusations portées contre lui par Jérôme Bolsec, je me suis demandé à quelle date quelques-unes d'entre elles remontaient. On sait, en effet, que la Vie de Calvin ne parut qu'en 1577. On a même reproché à Bolscc, à ce propos, d'avoir attendu aussi longtemps pour publier les accusations calomnieuses sous lesquelles, sachant bien qui en tirerait profit sans jamais chercher à en vérifier l'exactitude, il avait voulu accabler le Réformateur. Ce reproche est-il bien fondé pour quelques-unes? C'est ce que, malgré l'importance minuscule de la question, je voudrais rechercher.
Je relèverai d'abord l'affirmation de Bolsec lui-même (Viede C. éd. de 1664, p. 7), qu'il a attendu longtemps avant de produire son œuvre ; et cette autre, de Haller à Bullinger, dans une lettre du 6 avril 1552 (Op. Calv., Correspondance, à la date) que Bolsec voulait publier un livre contre Calvin, mais que le Magistrat de Berne le lui a interdit.
Ce que Bolsec aurait écrit, il n'est guère possible de lr savoir. Sans doute, il aurait abondamment disserté sur la prédestination. Nous n'en sommes pourtant pas réduits à cette donnée si vague. En effet, d'une part, dès la lin de février 1552, nous voyons, d'après une lettre de Haller à Bullinger, que Calvin est très monté contre Bol- sec à cause des calomnies qu'il répand; et de l'autre, d'après un Mémoire de Calvin au Sénat de Berne, Mémoire que les Editeurs de Strasbourg placenl à la même date (février 1552), nous voyons le Réformateur répondre à quelques-uns au moins des reproches qui lui sonl adres-
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srs. Or, deux de ces reproches sont 1res spéciaux et ne se trouvent, si je ne me trompe, que dans l'ouvrage de Bol- sec : l'un, c'est qu'il veut remplacer te dimanche par le vendredi; l'autre, c'est que, s'il a supprimé des fêtes chré- tiennes, il en a créé une nouvelle, le mercredi. Autant que les documents permettent de le constater, Bolsec semble s'être ensuite tenu tranquille pendant quelque temps. Aussi bien veut-il essayer de rentrera Genève, d'où il a été banni (tin 1551). Il fait deux tentatives, en mai- juin 1552, au moment de l'affaire Trolliel, ou Troillet, légalement relative à la prédestination; et en juillet 1553, à la veille de l'affaire Servet. Dans l'un et l'autre cas, il essuie un refus, parce qu'il refuse lui-même de se rétracter.
La condamnation de Servet, sur laquelle il s'expri- mera si différemment plus tard, au moins en ce qui con- cerne Servet, lui paraît, au contraire, une belle occasion de recommencer ses attaques.
Dès le 1er avril 1554, on le retrouve. Une lettre très curieuse, dont on ignore et l'écrivain et le destinataire, moine hier encore, en fait foi [Incertm Incerto dirent les éditeurs de Strasbourg). Dans cette leltre, celui qui l'écrit reproche à son correspondant de prendre fait et cause pour Bolsec, Servet et autres. En même temps, il fait une sorte d'apologie de Calvin. Il répond à diverses accusations, concernantes mœurs et ladoctrinedu Réfor- mateur. L'auteur de la lettre s'étonne que son correspon- dant ait pu accorder quelque confiance à ce brouillon [turbulent us) de Bolsec, qui procède par injures et par outrages, et qui ne craint pas d'accuser Calvin de gour- mandise, d'hérésie, de vouloir faire ou de laisser faire de lui une idole, etc. Des injures, des calomnies, des reproches, quant aux mœurs, ce reproche de gour- mandise, etc., tout cela nous le retrouvons en effet dans le pamphlet de Bolsec, la gourmandise, notamment, qu'on ne rencontre, je crois, que dans la Vie de Calvin par notre apostat (ch. xiv).
Assurément tout cela ne prouverait pas que Bolsec eût rien écrit et il paraît certain, en tout cas, qu'il n'a
MÉLANGES
rien publié. Mais voici qui paraîtra plus concluant, quant à ce qui aurait été écrit.
Le lundi 7 juin 1554, au Conseil de Genève, Calvin se plaint d'une « Epistre » anonyme, \enue on ne sait d'où, « pleine de blasmes et moquerie et mesmement charge led. M. Calvin de beaucoup d'injures ». On décide d'en rechercher l'auteur. Calvin demande en outre « s'il a besoin de purgation, et quelle purgation luy sera néces- saire défaire ». Au reste, il n'est pas le seul blâmé: la Seigneurie (de Genève) et les bons voisins ministres le sont en même temps. Le 14, il revient sur cette « épistre... en laquelle il est tellement blasmé que sans estre purgé de cela il ne seroit suffisant ny capable pour servir à l'Eglise, et que si l'on voloit chercher l'on pourroit bien trou- ver en quelque façon qui a envoyé telle épistre; c'est pourquoy il a requys y adviser et à sçavoir si l'on le tienl pour tel ». Des lignes qui suivent, il résulte que la Sei- gneurie et les juges de Servet sonl également pris à par- tie. Le Conseil décide la lecture del'épistre. On la lit le 21. Comme on ne sait d'où elle vient, le Conseil se borne à déclarer que l'on ne tient pas ces choses pour véritables, qu'on tient Calvin pour bon ministre, « non ayant fait ces choses y contenues, et ledit livre estre fauls, et auquel est mal escript contre ledit ministre et contre la Seigneurie ». On n'en recherchera pas moins l'auteur. Le 2 juillet on revient sur le « livre des blasmes », dont le but est ((de se porter pour avocat de Servet, Hiérosmc (Bolsec) cl autres hérétiques (1), condamnant la puissance que exer- çait punition corporelle sur iceux. » Ou y accuse aussi Calvin d'être plus démesuré en tyrannie que pape ou evesque qui fut jamais en Genève. L'affaire revient encore plus d'une fois au Conseil, notamment au mois d'octobre. On accuse aussi Calvin d'hérésie, et c'esl même le reproche auquel il paraît le plus sensible.
En 1555, il y a une recrudescence d'attaques contre
(1) Le fait que le « livre de blasmes » prend la défense de Bolsec, no MU rait infirmer mon hypothèse. 11 va de soi, en effet, que R., voulant consrrvrr l'anonyme, ne pouvait pas ne pas prendre sa propre défense,
MÉLANGES
Calvin. Bolsec n'est pas seul. Avec lui sont nommés les ministres Zébédée et Lange et un certain Fonsellet, per- sonnage qui paraît, d'après ses lettres, fort peu intéres- sant. Cela en février. Le 1er mars, on éeril à MM. de Berne sur les « blasmes » de Miérosme et autres cl sur les in jures et « plaquars » qu'ils répandent. MM. de Berne, qui ne pardonnent pas ii Calvin de ne pas accepter leur hégé- monie, ne font « guaire bonne response ». On insiste. Le 5 mars « les ministres de cestc cité (Cenève) hont faict grandes remonstrances des bruys, injures et oultrai- ges, que l'on a impropére à Fencontre de M. Calvin et nous, et aussy des calumnies faictes par les subjects el aulcungs ministres du pays de Berne », et on envoie à Berne Calvin et un autre ministre et deux des syndics. Enfin, le 18 mars, « lapluspart desdits Seigneurs de Berne ayans esté mal informez et estans irritez par les calum- nies de plusieurs faulx détracteurs à rencontre de M. Cal- vin et deceste Eglise, ayans ouy la vérité du faict, mon- trèrent tous signes d'amitié » envers Calvin et l'Eglise de Genève.
C'est aussi à ce moment-là (mars 1555) que Bolsec disparaît de l'horizon. Tout an moins n'en ai-je plus trouvé de mention à partir du 29.
Parallèlement à ces données empruntées aux Registres du Conseil (Op. Calv. Annales), on trouve différents ren- seignements dans la Correspondance.
Ils nous révèlent quelques-unes des accusations, outre celles déjà mentionnées. Ainsi Fonsellet (juillet 155-4) traite Genève de « Sodome abominable » on se trou- vent des « bogres » et des « sodomites charnelz et spiri- tuelz », et parle du « cruel Chaulvin ». Le 7 août, Calvin parle d'un libelle renfermant d'atroces infamies eonliv lui. Il est vrai qu'il en attribue la paternité à Castellion et consorts; mais il semble avoir renoncé bientôt à cette idée, puisqu'il n'en parle plus, et revient à Bolsec. Le 18 septembre 1554, il écrit à Buliinger qu'on le traite d'héré- tique pire que tous les papistes; le 4 octobre les ministres de Genève se plaignent d'être traités d'hérétiques et Calvin
70
MÉLANGES
tl'antéchrist par Bolsec et consorts» Le 30 octobre, Calvin dans une lettre de Bullinger, et les ministres de Genève, dans une autre à ceux de Berne, protestent contre les mêmes accusations etcontre de nombreuses injures atroces [multis atrocibus conviens). Le 27 novembre, les mêmes ministres se plaignent que Calvin soit traité de débauché (mquam)} d'hérétique et de tyran.
Etcequi montre bienque Boisée est l'auteur ou l'inspira- teur de toutes ces attaques, c'est que, le 4 décembre 1551, les ministres de Berne obtiennent qu'il soit chassé des terres de la République. Il est vrai qu'il obtient un sursis ïHaller à Bullinger, 28 décembre 1554). En fait, il n'est chassé des terres de Berne qu'à la tin de mars (Farel à Haller, 29 mars). Et il l'est à la suite d'un procès en diffamation que lui ont intenté les ministres et le Conseil de Genève. On lit même, dans l'exposé des griefs de Calvin, où il se plaint de Zébédée, Lange, Fonsellet, etc., la plainte suivante contre Bolsec : « Et ne se contentant pas de mal parler, chante mesme par cy et là une chanson contre led. Calvin pleine d'infametez ». On sait que Bolsec versifiait volontiers. Une fois de plus cela devait ne pas lui réussh\
En résumé, donc, Bolsec semble avoir écrit contre Calvin, mais sans publier ni signer, dès le lendemain de son bannissement de Genève. Nous retrouvons dans les « epistre, plaquars, livre de blasmes », sans parler de la «chanson», dont se plaignent Calvin, le^ minisires el le Conseil de Genève, notamment après la condamnation de Servet, diverses accusations que nous retrouverons dans la Vie de Calvin et que, même, nous ne retrouverons que là. Malgré l'anonymat, et après une hésitation, on finit par connaître le coupable. Sans doute, il n'est pas seul, au moins en 1551 et 1555. Mais il esl manifestement le chef de la bande.
Les accusations sont de diverses sorles. Les unes portent sur la doctrine : Calvin fait Dieu auteur du péché ; il est plus hérétique qu'aucun hérétique, il nie la divinité de Jésus-Christ et pense mal de la descente aux enfers
M ÉL ANGES
71
(Bolsec, V. dp 6\, eh. xxm-xxvi)* — D'autres, ou l'a vu, oui trait aux cérémonies : Calvin veut substituer le ven- dredi au dimanche et créer une nouvelle fête chrétienne le mercredi, alors qu'il supprime les principales (Bolsec, ch. vi et x). — D'autres encore s'appliquent à son action et à son attitude à Genève : il est démesuré en tyrannie, cruel, et supporte qu'on fasse de lui une idole (Bolsec, ch.xii). D'autres, enfin, s'en prennent à sa valeur morale, il est gourmand et débauché (ch. xiv el xv). — Peut-être même y a-t-il déjà parmi les « infametez, injures atroces et oultraiges », l'affaire du fer rouge. On sait, en effet, qu'un autre Jean Calvin, prêtre, de Noyon, avec lequel on confondait à dessein (est-ce bien lini?) le nôtre, esl condamné pour immoralité en 1550 (i). — Ce qui est cerlain, c'est qu'une calomnie, qu'on ne trouvera que dans Bolsec (ch. xi et ch. xv), est répandue dans le public réformé, celle d'avoir détourné à son profit 4 000 couronnes envoyées par la reine de Navarre, pour les pauvres et les exilés pour la foi. Un certain Piperinus qui l'a ouï dire, en écrit, tout ému, à Blanrer le 19 sep- tembre 1555, puis à Calvin, le 15 octobre. Calvin répond le i8 et donne les preuves de son désintéressement. Il ne fait, il est vrai, aucune allusion à ces 1000 couronnes. Les éditeurs de Strasbourg s'en montrent surpris. Pour ma part, je le trouve naturel, à cause même des destina- taires de la somme, au moins pour partie : je veux parler des exilés pour la foi. Le silence était de rigueur, à une époque où les lettres pouvaient si facilement se perdre ou être volées, tant était grande la différence d'attitude du frère et de la sœur vis-à-vis des Evangéliques.
Revenons à Bolsec. Ce qu'il avait écrit dès 1552, puis en 1554 et 1555, si ma supposition est fondée, comme je le crois, il l'aurait, en l'amalgamant tant bien que mal avec des données nouvelles, aussi peu dignes de foi que les premières, et en le poussant jusqu'à la mort de Calvin inclusivement, publié ensuite, en 1577, sous le titre
i l) Doumergue, Jean Calvin, I, 435. Citations phototypées de Desmay et de Le Vasseur.
MÉLANGES
de La Vie, Mort et Doctrine de Calvin etc. Ce qui sem- blerait confirmer encore cette hypothèse, ce sont les défauts de composition de ce pamphet. On le dirait fait de pièces et morceaux juxtaposés. Le seul lien entre eux, mais celui-là aussi constant que solide, c'est la haine, doublée de mauvaise foi, qui les a inspirés.
Paul de Félice. '
ÉVALUATION DE LA LIVRE TOURNOIS ET DES PRINCIPALES
MONNAIES EN USAGE DANS LES PAYS DU REFUGE(1) 1685-1715
La réduction, en francs actuels, des diverses monnaies employées en France et dans les pays du Refuge, lors de la Révocation, est une des questions les plus difficiles à résoudre pour les historiens de ces temps-là. Après avoir consacré de longs mois à en chercher la solution, nous donnons ici le résumé de notre travail. Sans prétendre être arrivée à une parfaite exactitude, nous avons cherché à nous rapprocher, autant que possible, de la vérité, dans un domaine qui reste toujours incertain.
Il y a trois points à éclaircir, pour arriver à une estimation rationnelle des monnaies d'autrefois :
1° Quelle était la valeur de lalivre tournois, en France, à l'époque indiquée?
2° Quel était le cours de la livre tournois, en Suisse, à la même époque?
La plupart des comptes dont nous avons à nous occuper ont été faits en Suisse, et en livres tour- nois, il faut donc chercher à convertir en livres les autres monnaies.
3° Quel a été dès lors l'abaissement du pouvoir libéra- teur des métaux-monétaires, ou, en d'autres termes,
(1) Celte élude a élé écrite en vue de noire monographie sur Henri rfe Mirmand et les réfugiés de la révocation de l'édit de Niante*, actuellement sous presse. Elle y paraîtra à l'appendice au N° 2.
MÉLANGES
quelle a été la baisse du numéraire, depuis 1685 à nos jours?
La réponse ne peut se trouver que chez les auteurs qui ont fait de cette question une étude spéciale etsérieuse. C'est aussi là que nous la chercherons.
Natalis de Wailly est l'écrivain qui a traité avec la plus grande compétence les variations de la livre tour- nois (1). Il l'a déduite du cours légal de l'or, combiné avec le cours légal de l'argent; aussi son appréciation nous servira-t-elle de base, tandis que le vicomte G. d'Avenel, dans des évaluations analogues, paraît oublier l'existence de la monnaie d'or (2).
Chacun sait que le cours de la livre tournois a subi en France, une dépréciation constante, avec des fluctuations de hausse et de baisse, depuis le règne de saint Louis jusqu'à l'établissement de la monnaie décimale (3).
iNous allons rechercher ce qu'elle valait de 1685 à 1715, et pour être plus exacte, nous diviserons en deux périodes l'époque qui nous occupe :
Première période allant de 168!) à 1699.
A. — D'après de Wailly, la moyenne de la valeur de la livre tournois en France, pendant ces H ans, a été de fr. 1,75 (4)
B. — D'après le Professeur LV ïurler, archiviste de l'Etat de Berne, appuyé par llanauer (5), la valeur de la
(1) Mémoires sur les Variations de la livre tournois, Lectures faites ne octobre 1850, par Natalis de Wailly, à l'Institut, et parues dans les Mé- moires de Vlnstilul de France, t. XXI, Paris, 1857. — Tableau V, pp. 397 à 406.
(2) Vicomte G. d'Avenel, Histoire économique (te la Propriété. Paris 1894. 4 vol. m-4°, t. I. — Et le résumé de ce travail, par le môme auteur : La Fortune privée à travers sept siècles. Paris 1904, p. 70.
M. À. de Foville, membre de l'Institut, ancien Directeur de l'Administration des monnaies, dans son ouvrage : La Monnaie, Économie sociale, Paris 1907, p. 194,, met en regard les tableaux de N. de Wailly et ceux du vicomte d'Ave- nel, il cite fréquemment ces deux auteurs.
(3) La livre tournois a valu en 1258, environ fr. 20, 20, en juillet 1720, fr. 0,41, en février 1793, fr. 0,98. (Natalis de Wailly, Tableau V, p. 398 cl 406.)
(4) Natalis de Wailly, Tableau V, p. 104, 9 évalualions de la livre tour- nois pour cette période.
(5) llanauer. Etudes écojiomiques sur l'Alsace ancienne et moderne, 1876-
74
MÉLANGES
livre tournois en Suisse, àla même époque, étaîtde fr. 1,85.
Entre ces deux chiffres, nous prendrons une moyenne que nous admettons comme valeur de la livre tournois, pendant cette première période soit fr. 1.80.
Deuxième période : de 1700 à 1715 (1) :
A. — Le tableau V, p. 404-5, de N. de Wailly nous donne pour cet espace de temps, 12 évaluations de la livre tournois, dont la moyenne ressort pour la France à fr. 1.54.
B. — Cette même évaluation est acceptée pour la Suisse, à fr. 1,54.
La diminution de la fortune publique, soit du pouvoir libérateur de l'argent, pris dans le sens de toute monnaie servant à l'échange des marchandises, a suivi une marche semblable à la dépréciation de la livre tournois.
Le vicomte d'Avenel en a fait une élude approfondie, basée sur tous les éléments de la production, du salaire et de la dépense. Il arrive à l'estimation suivante, pour le siècle de 1650 à 1750, en comparant le pouvoir des métaux monétaires d'alors, à leur pouvoir actuel, pris comme unité dans chaque quart de siècle, soit :
De 1650 à 1675 — 3 — contre 1 valeur actuelle
De 1675 à 1700 — 2,33 — — 1 —
De 1700 à 1725 — 3,75 — — I — —
De 1725 à 1750 — 3 — — 1 — (2)
Notre calcul, basé sur les données qu'on vient de lire, se présente comme suit :
\t% Période. — La livre tournois — Multiplié par la — Egal à vaut. baisse de la monnaie.
1685-1699 — fr: 1,80 — X 2, 33 = fr: 4,Î0
1877, 2 volumes. C'est un travail sérieux, où l'auteur estime aussi à fr. 1,83 la valeur de la livre tournois.
(1) Nous nous arrêtons à la mort do Louis XIV, après laquelle la livre tournois a subi une telle dépréciation, qu'on ne pourrait -plus établir une moyenne raisonnable.
(2) Vicomte G. d'Avenel, La Fortune privée, p, 37.— M. A. de Foville, La Monnaie, p. 179.
MÉLANGES 75
^ 2■", Période. — La livre tournois — Multiplié par la — Egal à
vaut. baisse de la monnaie.
1700-1715 — fr: l, 54 — x 2,75 = fr: 4,20
Nous arrivons ainsi à la somme de fr. i.20, comme valeur de la livre tournois de lf>8;> à 1715.
Toutefois M. de Foville, qui a lui-même revu notre S calcul et en approuve la méthode et les conclusions, y
ajoute les deux observations suivantes, qui vont le modifier :
Il fait remarquer d'abord, que pour la période qui nous occupe, le multiplicateur auquel s'arrête le vicomte d'Avenel est un minimum, vu la cherté de ce temps-là puisque immédiatement avant et après, le pouvoir des métaux précieux est de 3 contre 1. Et d'autre part, le terme de comparaison que prend d'Avenel, est le quart de siècle 1875-1900, dans son ensemble. Or, de 1900 à 1908, les prix ont sensiblement augmenté. De ces deux observations, il ressort que le multiplicateur devra se rapprocher de 3 — , et que la valeur delà livre tournois, de 1685 à 1715, peut-être portée à fr.5, — monnaie actuelle.
Ce résultat ayant été approuvé par d'autres personnes compétentes (1), c'est à ce chiffre de fr. 5 — que nous nous arrêterons, comme base de nos calculs, pour toutes les monnaies qui peuvent se réduire en livres tournois de France.
Il esl à remarquer que les comptes des réfugiés en général, et ceux de la Direction de Berne en particulier, qui furent les plus importants, se faisaient en livres tour- nois de France.
(1) Entre autres M. le Dr G. Lardy, ministre de Suisse en France, fort versé dans ces matières, et N. Weiss, secrétaire de la Société de l'Histoire du Pro- testantisme français A Paris,
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MÉLANGES
Réduction en francs actuels, des principales Monnaies, employées de 1685 à 1715.
Pouvoir multipli-
Monnaies diverses. Livre tournois. cateur, par la Valeur
valeur de la livre actuelle, tournois.
Livre tournois .... I x 5 — fr. 5
Ecu do France (mon- naie de compte) . . 3 x <) = fr. 15
Reichsthakr, rixdale .3 x 5 = fr. 15
Reichsgulden, gulden ou florin d'empire. . 1,13% 4'' x5 ==fr. 8,33
Florin de Zurich, égal au Reichsgulden (1). l,13s,4d x5 — fr. 8,33
Livre, de Zurich (1 /2 du ilorin, monnaie do
compte) 0, lt>s,8'' x5 = fr. 4,16
Florin ou Gulden de Berne(10 °/« demoins
que celui de Zurich). 1, 10s x 5 = fr. 7.50
Livre de Berne (1/2 du florin, monnaie de
compte) (2) 0, 15s x5 — fr. 3,75
Couronne de Berne (Kron) 2, 10s x 5 =rfr. 12, 50
Tha 1er de /terne. ... 3 x5 =fr. 15
Marc courant de Ham- bourg (3) 1 X 5 =fr. 5
(1) Le florin (gulden) de Zurich est égal à 2 livres de compte = ou 40 schilling = ou 480 heller (denier). 11 se divise aussi en 60 kreutzer et 480 hcller. Le kreutzer vaut 8 heller.
livre tournois
(2) La livre de Berne vaut 0,15 sous, ou 1 l/a bat* ou 1 livre de Berne. Le gulden, florin de Berne. « 1,10s. « 15 « ou 2
La couronne de Berne . . « 2, 10 s. « 25 « ou 3 l/a «
Le thaler de Berne « 3 — « 30 « ou 4 «
10 batz de Berne « 1 — « 10 « ou 1 >/s
Le batz est une monnaie très ancienne, datant du moyen âge et qui se trouvait aussi dans la Vénitie (Heperlovium zur Mttnzherr Bayertïs p. 823.)
(3) On avait à Hambourg et à Liïbeck, le marc courant et le marc franco, ce dernier employé dans les affaires avait une plus grande valeur que l'autre. D'après une noie de.Mirmand, 128 marc banco faisaient environ iS llth. (pour reichothaler) de Brandebourg. Le marc courant équivalait à peu près à la livre tournois. — lin 1854, le marc courant de Hambourg (taillé à 31 au marc de Cologne d'argent fin;, valait fr. 1,528, et le marc banco (de 27 1 -, au marc de Cologne), valait fr. : 1,813. — La proportion était de lit à 136. 9 marc s'appellent un thaler et 2 marc, un Ilorin. (Oscar Wiist. Guide méthodique rfe l'enseignement du calcul 1854, §642.)
La Livre sterling valait même plus de 75 francs actuels, puisque Mirmandi
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Les monnaies suivantes n'étant pas converties en livres tournois, nous indiquerons leur valeur approximative en francs, à l époque du Refuge, d'après les auteurs qui ont traité ces matières. Cette somme sera mullipliée par le pou- voir du numéraire à cette époque, en le portant a 3.
Loellicient, |
||||
Monnaies. |
Pouvoir du numéraire. |
V fl 1 0 1 1 V i i ( * f 1 1 o \ 1 a |
||
Ï.P ///))>m ri /> fin 1 l/itt /lo jl'il ifl n U llfltlflc , |
0 1 Q 2, 16 |
X a |
fr. 6,39 |
|
Livre, Sterling d'A nqle- |
||||
terre (1) ..... . |
fr. |
25 |
X 3 |
==fr. 75 |
Le florin de Genève (2) . |
fr. |
0,50 |
X 3 |
= ir. 1,50 |
Livre courante de Genève, |
||||
valant 3 florins, et |
||||
fr. |
1,75 |
X3 |
= fr. 5,25 |
|
Ecu de Genève, valant |
||||
10 florins et 6 sols. . |
fr. |
5,25 |
X 3 |
= fr. 15,75 |
IÀvre faible de Neu- |
||||
châtel (3) |
fr. |
0,55 |
X3 |
= fr. 1,65 |
Ecu de 30 batz de Neu- |
||||
châtel |
fr. |
4,20 |
X 3 |
= fr. 12,60 |
Voici quelques réductions des sommes employées pour les réfugiés; elles sont tirées des Eidgenôssische Abschiede (Recès de diètes fédérales), ou des manuscrits conservés aux archives de Berne.
dans la liste de ses capitaux, comptait 2000 £ st. pour 11 000 Hlh. soit 5 1/2 Rlh. pour 1 £.
(1) Voir pour la Hollande et l'Angleterre : Pierre-Frédéric Bonneville, Traité des monnaies d'or et d'argent qui circulent chez les différents peuples, Paris, 1800.— (M. R.N. L. Mirandolle, Une page de l'histoire du commerce de Rotter- dam au commencement du xviue siècle, insérée dans le Bulletin de la Com- mission de l'Histoire des Églises wallonnes, 2e série 1890, t. I, La Haye. Plu- sieurs lettres de M. Mirandolle de La Haye et de M. William Minet de Londres ; — Annuaire du Bureau des Longitudes, Paris, 1838 et 11)03.
(2) Eugène Demolj, Histoire monétaire de Genève 1535-1848, Genève, 1887. Le florin de Genève se divisait en 12 sols, et le sol en 12 deniers.
(3) Cette livre, en usage vers 1685, égalait 4 batz ; elle se divisait en 12 gros, le gros en 12 deniers. Le batz, égal à 4 creutzer, valait 14 centimes, le creutzer 3 1/2 centimes; 3 gros valaient un batz. (Archives de l'État de Neuchâtel.) — M. William Wavre : La grande lacune dans le monnayage de Neuchâtel, de 1~1A à 1789, inséré dans le Musée Neuchâtelois, 1893, novembre et décembre, p. 24S et 284.
j
78
MÉLANGES
1 Reiehsllialcr esl égal à
1,4/5 (ïuMen (1), ou =
3 livres louruois.
100
2000 13333
108 180
3600 24000
= 180
== 300
— 6000
= 40000
La proportion entre le gulden et la livre tournois était celle de 3 à 5. — 3 reichsgulden équivalent à o livres tournois. 11 faut 1 livre, 13 sous, 4 deniers lournois pour faire un gulden, ainsi 13333 livres tournois valent 8000 gulden ou 4444 reichsthaler.
Parmi les sources que nous avons consultées' citons en première ligne, les Eidgenôssische Abschiede, Vol. : VI. Abt : IL, p. 5ij2 et maints autres passages, qui indiquent les sommes employées au soulagement des réfugiés, puis les manuscrits conservés aux archives de Berne et de Zurich. On trouve à Berne les superbes comptes, établis par la Direction française de cette ville, pour la Chambre des Seigneurs, de 1694 à 1699, en livres et en couronnes; cela fait un volume par année.
C'était lors de la convention conclue entre Berne et les cantons évangéliques, pour faire vivre les réfugiés en Suisse.
Nous avons eu l'avantage d'être aidée dans nos recherches par les conseils de plusieurs savants, auxquels nous offrons ici nos remerciements, ce sont :
M. A. de Foville, à Paris, auteur de La Monnaie. M. William Minet, président de la Société huguenote de Londres.
M. B. N. L. Mirandolle à la Haye.
M. le Dl Biggauer, directeur du cabinet royal des monnaies, à Munich.
M. le L)r Ernest Lehr, à Lausanne, conseiller juris- consulte de l'Ambassade de France en Suisse.
M. le Prof1' Dr H. Turler, archiviste de L'Etal de Berne.
(l) Gulden, reichsguklcn ou florin d'empire, c'est la mémo monnaie, el le llorin de Zurich avait une valeur pareille, tandis que le florin de Berne valait 10 °/0 de moins.
SÉANCES DU COMITÉ 71)
M: le D1 H. Nahholz, archiviste de l'État de Zurich. Tous nous oui fourni de précieuses indications.
Disons, en lerminant cette élude, que les résultats auxquels nous sommes arrivée, sont approximatifs, car en pareille matière, il y a un flotlement inévitahle. Nous espérons néanmoins que ce travail, en précisant la valeur de la livre tournois, et les rapports des divers systèmes monélaires entre eux, pourra rendre quelques services aux personnes qui s'occupent de l'histoire du Hefuge.
Madame Alexandre de Ciiambrier.
Bevaix, 20 septembre, 1908.
SÉANCES DU COMITÉ
&4Novembrci908.
Assistent à la séance, sous la présidence du baron F. de Schickler, MM. Bonel-Maury, Chatoney, H- Monod, J. Pannier, F. Puaux, E. Holt, R. Reuss, Tanon, J. Viénot et [S. Weiss.
Aprf s la leelure et l'adoption du procès-verbal de la dernière séance, le Président e>plique au Comité la présence, dans la salle de lecture de la Bibliothèque, de quatre nouveaux meubles qui y ont été placés récemment contre les colonnes qui supposent la galerie du premier étage. Jusqu'ici notre catalogue ne se compo- sait que de fiches que nous ne pouvions que très exceptionnelle- ment communiquer au public, et qui, n'étant pas fixées dans les tiroirs, étaient souvent déplacées, ou plus exactement, rep'acées ailleurs que dans leur ordre alphabétique. De là la nécessité pour le bibliolhécaiie de Taire lui-même la recherche du ou des livres que demandaient les lecteuis. Il a pensé rendre service à ces der- niers en faisant recopier toutes les fiches, aménagées dans ces meubles de manière à ne pouvoir être déplacées. Désormais le lecteur pouna lui-même faire ses recherches dans n'importe quel tiroir, sans crainte de rien déranger, ce qui supprime! a une perle de temps souvent considérable. Le travail, commencé pen- dant les vacances par un ancien prêtre dont l'écriture est très lisible pourra être terminé au courant de l'année prochaine.
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SÉANCES DU COMITÉ
M. Jacques Vannier croit qu'il faudrait profiter du quatre cen- tième anniversaire de la naissance de Calvin pour faire poser une plaque commérnorative sur la partie de la maison de ses parents qui existe encore à Noyon. Il s'entendra avec M. Abel Lefranc, pro- fesseur au Collège de France et originaire de Noyon, sur la marche à suivre.
M. John Viénot rend compte du Congrès des sciences histo- riques qui s'est tenu à Berlin au mois d'août et auquel il a assi-sté avec le secrétaire. Ce dernier espère que quelques-unes des publications historiques allemandes intéressant la Réforme fran- çaise pourront être obtenues pour notre bibliothèque, grâce aux relations faites à ce Congrès.
Le secrétaire donne ensuite les renseignements suivants sur la Table générale du Bulletin. Le manuscrit des let très A à L est entièrement terminé et les deux lettres qui suivent très avancées. Quanta la France protestante, la multitude de petits papiers extraits des matériaux accumulés par feu A. Bernus ont été collés sur de grosses fiches in-4° avec des renvois aux dossiers ou à d'autres sources comme les papiers Pradel, travail préparatoire qui facilitera beaucoup la rédaction du complément de la lettre G.
Bibliothèque. — Elle a reçu de M. Perrier, juge de paix à Rive- de-Gier, le manuscrit des Actes de l'Eglise de Dieu en Christ à Lyon de 1830 à 1832; — par l'intermédiaire de M. le pro- fesseur E. Doumerguc, de Montauban, un assez gros ballot des papiers qu'avait recueillis feu M. le pasteur Vielles. La majeure partie de ces papiers se compose malheureusement d'exiraits presque toujours informes ou incomplets faits jadis aux archives de l'Hérault, par feu M. le pasteur Kraissinet; puis il y a un lot de sermons manuscrits du xvii° siècle, un ceriain nombre de Jugements imprimés sur affiches et quelques pièces originales intéressantes qui ont été jadis signalées dans le Bulletin. — M. Le- gouis a envoyé une copie partielle des délibérations de l'ancienne Académie deSaumur. — Le président dépose une plaquette : Anli- ferrier dédié à Monsieur du Plessi-Mnrnay />ar Dnnirl Couppé, pasteur de V Eglise réformée de Tours, La Rochelle, IL Haultin, 1615 — et la Société d<'s Textes français Modernes, récemment fondée pour mettre à la disnosition des travailleurs des réimpressions critiques d'oeu- vres littéraire rares, a bien voulu exceptionnellement nous offrir un exemplaire des deux premiers volumes qu'elle a fait paraître : Jean de Schelandre, Tt,r et S'don et Louis des Masures, Tragédies saintes. Paris, E. Cornély et C,e, 1907 et 1908.
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1 1 janvier 1909.
Assistent à la séance, sous la présidence du baron F. de Schickler, MM. R. Chatoney, G. Monod, p. de Félicc, E. Rolt el N. Weiss.
Après la 1 ec.ti.tr e et l'adoption du procès-verbal de la dernière séance, le président lit le texte delà lettre qu'il adressa le 2ti no- vembre 1909 à M. Noël, sénateur de l'Oise et maire de Noyon, au sujet de la plaque à poser sur ce qui reste de la maison de Calvin. Celte lettre est malheureusement restée jusqu'ici sans réponse. Le secrétaire est chargé de voir M. Aboi Lefranc et de se con- certer avec lui à ce sujet. M. J. Pannier, en s'excusant de ne pou- voir assister à la séance, envoie une note sur l'origine possible du mot marrean ou mereau.
Le secrétaire communique le faire part qu'il a reçu du décès d'un de nos membres honoraires depuis 1905, M.Emil Egli, pro- fesseur d'histoire ecclésiaslique à Zurich; il y est mort le 31 décembre à soixante et un ans. C'était l'homme qui connais- sait le mieux Zwingli et tout le mouvement provoqué par ce réformateur; sa modestie surpassait encore sa compétence exceptionnelle; il était le principal collaborateur de la nouvelle édition des œuvres de Zwingli que depuis plusieurs années il avait préparée et provoquée.
Il communique ensuite au Comité la liste des souscriptions reçues ace jour pou»' le Monument de la Réformation. Elles attei- gnent le chiffre de 3596 fr. 20 pour 89 Églises et S particuliers. La Société a reçu jusqu'ici pour l 'exercice 1908, 1040 fr. 90 de la part de Ti Églises.
Enfin il donne connaissance d'une lettre de M. le pasteur Cornet-Auquier qui demande qu'à l'occasion du 350(1 anniversaire de la fondation de l'Église réformée de Chalon-sur-Saône, lequel tombe sur l'année 1909 , notre Société veuille bien tenir son assem- blée générale à Chalon-sur-Saône. Quelques membres se demandent si nous ne devrions pas c itte année convoquer la public parisien aune commémoration du quatrième centenaire de la naissance de Calvin. D'autres répondent que cela pourrait se faire peut être avec plus d'intérêt après lê*s réunions qui doivent se tenir a Genève en juillet et auxquelles nous sommes déjà invités. Dans ce cas il serait peut-être possible aux membres qui se rendront à Genève, de s'arrêter en route pendant un jour ou deux à Chalon-sur- Saône. Il est décidé que le secrétaire écrira à M. le Pasteur Cornet-Auquier pour le remercier de son invitation et lui demander si la commémoration à laquelle il nous convie ne pour- rait pas être lixée par exemple deux jours avant celle de Genève,
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CHRONIQUE LITTÉRAIR K
ce qui permettrait aux membres du Comité de se rendre dans cette ville en deux étapes.
On parle enfin de la possibilité d'insérer au Bulletin un travail sur Guizol et la crise intérieure du Protestantisme français au XIX0 siècle. Ce travail touche à trop de questions encore brû- lantes pour qu'il puisse être considéré comme appartenant à l'histoire ancienne du Protestantisme français.
Bibliothèque. — Elle a reçu beaucoup de livres et brochures qui paraîtront sur la troisième page de la couverture, et de Mme de Merveilleux, un Sermon sur la Paix de Pierre Rival, Lon- dres 1713: — une feuille volante in-i° : Mémoire de la Direction des Pauvres François réfugiés pour cause de Reliqion à Lausanne : Servant d'information du Hat et des motifs de la Lotterir qui lui a été permise par LL. EE. de la Ville et République de Berne] — et une plaquette in-4° : Confession de Eoij de Sa Majesté le Roy de Prusse. Laquelle il a fait proposer à tous Us ministres d^s Etats prolestants à Batisbonne, afin d'obtenir la direction des Etals évanqéliques. Traduit de l Allemand par P . P. de N. Imprimé l'an MDCCXJX.
Cil U0N1QUE LITTÉRAIRE
La politique religieuse de la Révolution française.
Tel est le filre d'une Etude critique (h) M. Emile Lafonl, membre de la Société de l'Histoire de la Révolution française, parue chez Jules Roussel, (1909, X-302 p. 3fr.50)et honorée d'une Préface de M. Louis Havel, dont la tendance anti religieuse bien connue ne se révèle ici que par cette phrase discrète : « Chacun peut voir des millions d'hommes et d'hommes qui pensent, se réjouir du déclin de l'esprit religieux. L'histoire, d'ailleurs, n'est flalteuse ni pour les dévots ni pour les siècles de foi naïve. » L'hisloire serait-elle flatteuse pour les peuples sans foi ? Non, car elle les ignore ou ne les nomme que pour les enterrer. Et le déclin de l'esprit religieux a toujours été le plus sûr symptôme de décadence : Car la foi, ou, si vous préférez, une foi, une aspiration quelconque vers un idéal surhumain est encore la meilleure force tonique. « Sans elle, la vie devient incolore, et son intérêt s'évanouit... (elle) nous devient à charge. Nous nous sentons malheureux comme le serait un homme condamné à séjourner dans l'obscurité ». Ainsi s'exprime M. Jean Finot dans la Revuedn 1er octobre (Cf. Revue Chrétienne du I''1 nov. p. 9 19). C'est si vrai que les rêves socialistes (pii remplacent la reli- gion traditionnelle dans l'àme des foules ouvrières prennent les
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allures, les formes et jusqu'à l'intolérance d'un credo confessionnel (Cf. p. 142) et donnent souvent la même énergie que l'ancienne foi en remplissant le cœur d'espoir et lui permettant de supporter les malheurs présents par l'attente d'un avenir meilleur. M. Lafont est donc le jouet de la plus folle illusion, s'il croit que, délivrée du cauchemar religieux, « la (erre désormais ne sera plus une vallée de larmes » et que, « les vieilles conceptions Idéologiques » s'e ffaçant, « la splendeur de l'existence et du monde naturel appa- raît à nos yëux » (p. 3). Hélas non, c'est toute l'horreur de l'existence, c'est l'affreuse réalité de^ la misère humaine qui vont seules apparaître ànosyeux épouvantés. Mais regardez donc autour de vous ! Déclin du sentiment religieux, n'est-ce pas synonyme de dépopulation, c'est-à-dire de mort à brève échéance.
Sans doute, M. L. ne pense qu'au catholicisme en disan qu' « un des mérites de la Révolution sera d'avoir brisé les chaînes honteuses qui entravèrent douloureusement la pensée humaine ». Mais, même compris ainsi, son lyrisme optimiste est exagéré.
Voyons de plus près son livre, dont la moitié seulement contient l'essai de reconstruction historique delà politique reli- gieuse. A partir de la page Ho, ce ne sont plus que des pièces justificatives : brefs, rapports, lettres, discours, projels de loi, pétitions, décrets, instructions, etc., sur les troubles de 1791, l'institution de l'état civil, la suppression des frais de culte, la liberté de conscience, l'esprit laïque à la Convention, la déchristia- nisation, le culte de la Raison, les abjurations, la Séparation. Le récit proprement dit se déioule en 14 chapitres, depuis les pre- mières mesures de la Constituante jusqu'au Concordat (I), le chapitre initial montrant l'importance si longtemps méconnue, proclamée surtout parQuinet — des questions religieuses (ju dirais plutôt : de la question religieuse) dans l'élude de la Révolution, le chapitre linal racontant la défense républicaine contre la réaction de l'an V, et la catastrophe de Brumaire, « dont les conséquences pèsent encore sur nous ».
Voici les passages qui nous semblent mériterune mention spé- ciale. P. 3-2 signale l'utopie de la Constituante, qui « veut créer, à côté du clergé réfractaire, un nouveau clergé à la fois catholi- que et constitutionnel », et la situation archi-fausse de ce clergé gallican, qui « prétend reconnaître le pape » lorsque celui-ci lui jette l'analhème ». Sans doute, « il valait mieux combattre la domi- nation de Rome sans créer ce nouveau clergé » ; mais l'auteur oublie que le pays n'était pas mûr pour une mesure aussi radicale et qu'habitué depuis des siècles à subir cette domination, il la consi- dérait encore comme une chose indispensable (2).
(1) « Contrat d'exploitation du peuple français passé entre le pape et le dictateur » (p. 141) et qu' « un acte de haute sagesse a enfin dénoncé ».
(2) La meileure preuve de la persistance de cette mentalité catholique est
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CHRONIQUE LITTÉRAIRE
P. 49, 56, 71, 89, 121 et 131 rappellent à propos que «les décrets sévères qu'elle (la Législative) porta contre les prêtres réfractaires doivent être regardés plutôt comme des moyens de défense que comme des mesures prises pour consolider la cons- titution civile » et que « cette sévérité est justifiée par la conduite de ces réfractaires qui... s'efforçaient d'allumer la guerre civile et n'avaient pas voulu se contenter de la liberté et des droits com- muns à tous les citoyens ». La politique répressive « s'accentua au fur et à mesure ... que le danger de la contre-révolution menaçait davantage ».
P. 86, nous voyons les Girondins se montrer « sur laquestion de la liberté des cultes, plus révolutionnaires et plus politiques que les Jacobins», dont « la mentalité est absolument opposée au véritable esprit de la Révolution » (p. 91). L'auteur semble s'en étonner : il y a pourtant assez longtemps qu'on a constaté que lejacobinisme n'est que du cléricalisme à rebours !(Cf.p. 93,94). La note de la p. 96 et la p. 274 mentionnent des abjurations de pasteurs.
P. 99 met en évidence que « les deux cultes de la Raison et do l'Être suprême avaient été d'inspiration bien différente », mais furenl souvent, dans la pratique, confondus par la foule simpliste.
P. 100 et 103 rappellent la vraie signification du 9 thermidor, qui, loin d'être « une revanche du philosophisme » ou « le signal de la réaction » fut « surtout l'œuvre d'hommes qui veulent sauver leur tête ».
P. 109 souligne toute l'importance du décret de la Convention qui supprime les dépenses publiques du culte et qui « passe presque inaperçu aux yeux de beaucoup d'historiens ».
P. 127 dit à propos du régime de la Séparation qui fonctionna pendant près de sept ans : « Si les esprits y avaient été préparés dès l'origine, cette question religieuse n'eût pas été embrouillée par les difficultés de la Constitution civile, et peut-être la sécula- risation de l'État eût-elle élé définitive... Cette expérience doit nous enlever toute inquiétude dans l'accomplissement de l'œuvre de sécularisation que Bonaparte a interrompue et que nousrcpre nons aujourd'hui ».
P. 46. Lorsque, le 7 mai 1791, la Constituante proclama la liberté des cultes sans restriction, les députés du clergé « repro- chèrent à l'Assemblée son esprit de persécution ». M. L. s'étonne de ce que « dans celle liberté pour tous, ils voyaient la persécution des catholiques ». tëtonnement naïf, comme s'il en avait jamais
qu'encore le l'r juin 1792, l'arrêté de la Commune interdisant de contraindre à tapisser les maisons lors de la Fête-Dieu et de requérir la garde nationale pour les cérémonies du culte, provoqua des troubles et la protestation indi- gnée de Kobespierre (p. (L>i. Cf. p. 19.
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été autrement. L'Eglise ne se sent libre que quand elle peut persécuter; sans cela elle s'estime persécutée.
Voici maintenant quelques affirmations qui nous semblent ou exagérées ou même fausses.
P. 44. Le décret du "28 janvier 1790 reconnut les droits poli- tiques des Juifs du Midi, mais non de ceux d'Alsace, parce qu' « on prétendait que plus de la moitié des terres de la province étaient frappées (l'hypothèques à leur profit et que par conséquent les biens des chrétiens passeraient entre leurs mai us ». L'auteur ajoute :« Les événements ont prouvé que ces craintes n'étaient pas justifiées » et cite des chiffres à l'appui. Mais ces chiffres prouvent simplement que les craintes étaient exagérées; quiconque est au courant de la situation n'osera dire qu'elles étaient sans fonde- ment.
P. 69, n. 2. « Sans l'hypocrisie d'une cour perverse et l'inertie d'un roi incapable, la Révolution s'accomplissait tout naturelle- ment et sans grands soubresauts ». Voilà pourtant de l'historio- graphie par trop simpliste. Et les ambitions, et les passions, et les jalousies et les égoïsmes et les vanités et les partis pris, croyez-vous qu'ils auraient laissé faire sans soubresauts? Ce n'est pas sérieux.
P. 73. « La Révolution se montra lidèle aux principes de la plus saine philosophie lorsqu'elle admit le divorce ». Y'oilà qui est encore bien catégorique et absolu. Une philosophie non moins saine pourra objecter que deux époux sachant leurs liens indis- solubles se sont peut-être souvent résignés à leur sort et ont fini par trouver dans cette mâle résignation le bonheur stable qu'une liberté plus grande ne leur aurait sans doute pas donné.
P. 83 et 240. Les belles phrases, généreuses peut-être, mais à coup sur utopiques, de Rabaut Saint-Etienne et de Jacob Dupont sur les bienfaits inévitables de la propagation des lumières, par « les écoles primaires de France » qui « seront l'école du genre hu- main », sur ce que « tout peuple éclairé sera libre quand il le voudra», bien plus, sur ce que «les lumières amèneront nécessai- rement la liberté, parce qu'elles fout connaître les droits de chacun», semblent trouver le plein assentiment de M. L., qui n'a probablement pas fait d'enquête sur les effets moralisateurs de l'instruction actuelle. Sans doute, tous les Français connaissent à présent leurs droits ; mais c'était inutile de les leur apprendre : ils les connaissent depuis fort longtemps ; mais qui leur apprend que tout droit implique un devoir et que les devoirs grandissent avec les droits?
P. 139. Le philosophe aux yeux duquel la Révolution « n'est pas un accident de notre histoire » mais « l'aboutissant logique » et « a consolidé l'unité nationale » me semble avoir la vue un peu courte et l'esprit simpliste de l'historien de tout à l'heure. Le rou- leau égalilaire et niveleur semble, à première vue. consolider l'unité
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parce qu'il écrase tout, mais il n'y a de véritable et durable unité que dans l'harmonie des diversités et l'équilibre des inégalités (I ). Enfin il reste à relever quelques errata :
P. 62, 1. 5 lire dépense publique. P. 83, 1. 20, phrase incorrecte : comme si le sang d'un ennemi vaincu fit jamais triompher une idée!
P. 17(>, I. 7 d'en bas; lire : le spectacle de votre vertu. P. 263, lire : 19 brumaire. Envoi au pape. P. 300, l indication de la page initiale des 5 derniers chapitres est fausse et à rétablir ainsi : 91, 103, Hl, 119,129, 139.
Th. Sciioell.
Hugues Vaganay. Le mariage, honni par Desportes, louange par Blanchon, Le Gaygnard, Rouspeau. Imprimé à 12o exemplaires. Mâcon, 1908, 32 pages in-4°.
Yves Rouspeau est un écrivain protestant du xvie siècle, qui a une notice dans la France protestante. Les frères Ilaag y ont donné la liste de ses publications; on la trouve aussi, avec quelques détails de plus, dans le Manuel de Brunet.
M. Hugues Vaganay, bibliothécaire des Facultés catholiques de Lyon, vient de réimprimer un des ouvrages de Rouspeau, les Stances chresliennes des louanges du saint mariage, opposées aux Stances de mariage, de Philippe des Portes, 1586.
Desportes, dans sas premières Œuvres (1573) avait publié une invective poétique contre le mariage, en 25 sizains :
Kscoutez ma parole, ô mortels esgarez, Qui dans la servitude aveuglement courez, Et voyez quelle femme au moins vous devez prendre :
Si vous Tespousez riche,.... Si vous la prenez pauvre,.... Si vous l'espousez belle,... Si vous la prenez....,
Chacune de ces hypothèses est accompagnée de prédictions redoutables. Cette pièce donna lieu à un petit tournoi littéraire. Plusieurs poètes de l'époque entrèrent dans la lice, les uns pour appuyer, et la plupart pour combattre Desportes.
M. Vaganay a réuni en une plaquette, imprimée sur Alliance Handmade paper, les pièces principales de ce débat: les Stances de Desportes, et trois morceaux où, dans le même rythme que lui.
(1) Qui veut creuser davantage le sujet fera bien de lire. daDS Y Anticléri- calisme de M. Faguet, le chapitre sur la période révolutionnaire p. 126), M surtout de méditer le chapitre initial sur l'irréligion nationale, qui donne la clef de toute notre histoire religieuse et de notre crise actuelle.
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souvent avec les mêmes rimes, Joachim Blanchon(1583), Pierre Le Gaygnard (1585) et Yves Rouspeau (1586), ont pris la défense du mariage.
Rouspeau, comme les autres, reprend chacune des hypothèses qu'on a vups plus haut; il s'attache à montrer en chaque cas les beaux côtés du mariage. Je ne citerai que quelques vers :
. . . Voyés
Quelle femme il vous faut en mariage eslire :
Si vous l'eslisez riche et de bonne maison, Bien nourrie et vestue en tout temps et saison, Tous vos sens seront d'aise et de joye ravis tfn parlant avec elle, et, parmi les devis, Contant tout à loisir ses escus sur la table....
Si vous la prenez pauvre,... De son ame, pour dot, vous aurez la sagesse Qu'on doit plus que les biens de ce monde priser.
Eugène Ritter.
Encore le mariage de Bossuet.
Nous résumions dernièrement (Bulletin, mai 1908, p. 273) l'étude consciencieuse de M. l'abbé Urbain sur Bossuet et Mïle de Mauléon. C'est d'elle surtout que s'inspire le n° 9 de la Collection Arthur Savaèle, à 3 fr. 50, intitulé Autour d'une brochure. Lettres à M. Savaète, directeur de la Hernie du Monde Catholique, sur le pré- tendu mariage de Bossuet. Avec un article posthume de Mgr Justin Fèvre (sans date ni nom d'auteur, 196 p.). La lrc lettre expose les vues de M. Urbain, les 2°-5e celles de M. J. Gaignet, ex-supé- rieur de Grand Séminaire dans son Etude critique sur Le prétendu mariage de Bossuet. (Bloud, 1907) (1), les 6e et 7° celles du R. P. Constant dans \&Bevuc du Monde catholique du 15 juillet 1907. Les conclusions de l'auteur (p. I i3) sont que: 1° les résultats iixés par l'enquête de M. Urbain n'ont point été infirmés, mais l'éclaircis- sement définitif de l'intrigue de Ml,e de Mauléon dépendrait sur- tout des papiers intentionnellement détruits chez elle en 1714; 2° une autre difOculté, celle du nom de Desvieux, cité par deux auteurs indépendants l'un de l'autre et impossible à identifier avec ceux de Gary de Mauléon, n'a pas assez attiré l'attention de M. Gaignet; 3° ce dernier n'a introduit dans la question aucun élément nouveau, mais seulement un certain nombre d'erreurs, et n'a emprunté la matière de sa discussion qu'aux articles qu'il prétendait réfuter; il a fait œuvre de polémiste plutôt que d'his- torien; 4° un mystère subsiste, et l'on n'a pas réussi à prouver
(1) 64 p. in-12, 2e éd., n° 456 de Science et religion. Etudes pour le temps présent. Série des Questions historiques.
Cil ROM IQU K LITTÉRAIRE
([lie le brait du prétendu mariage dû aux réclamations de M,lc de Mauléon n'est qu'un racontar sans consistance, provoqué par un simple contrat de cautionnement.
L'article du protonotaire apostolique, Mgr Fèvre, intitulé Nou- velles éludes critiques sur Bossnet, a pour point de départ les Etudes critiques de Vincent Davin, chanoine à Versailles, publiées en 1903 par la même Revue du Monde catholique, puis à part en un volume de 372 p.. résultat de 40 ans de travail aux archives de Paris et de Home (môme aux archives secrètes du Vatican), travail encouragé par Augustin Bonnetty, directeur de Y Université catholique et des Annales de philosophie chrétienne, ainsi que par Louis Veuillot et le cardinal Pitra, « prince de l'érudition contemporaine. » La tendance de Mgr Fèvre est suffisamment caractérisée par ce l'ait symptomatique qu'il ne trouve de meilleure conclusion que de reproduire le compte rendu de M. Lanson sur M. Urbain, dans la Revue Universitaire de décembre 1906.
En somme, qui a lu la brochure de M. Urbain ne verra rien de bien nouveau dans celle-ci, si ce n'est le développement, très intéressant sans doute, de certains détails de la question, et de longues polémiqnes moins intéressantes. Quant à la brochure de M. J. Gaignet, elle n'a aucune valeur critique, et le jugement de l'auteur Autour d'une brochure, rapporté ci-dessus, est même très modéré. C'est de l'apologétique pure, inspirée par un parti pris fort honorable peut-être, mais qui n'a rien à faire avec la recherche désintéressée de la vérité, s'il est permis d'appliquer un aussi gros terme à une question d'aussi mince valeur. A notre humbie avis, la seule chose sensée à l'aire serait de laisser dormir en paix les cendres de Bossuet. Car, même si ce qu'on lui reproche était absolument prouvé, il resterait la sublime parole de Jésus : que celui qui est sans péché lui jette la première pierre.
Th. Sch.
La Compagnie du Saint-Sacrement.
M. Rébelliau poursuit la série de ses travaux sur cette mys- térieuse association, dont on ignorait naguère complètement l'existence, et dont l'influence parait pourtant avoir été si profonde en raison môme de son action cachée el des efforts convergents et si disciplinés de ses membres, efforts isolés et individuels en apparence et pour cela inaperçus, mais d'autant plus redoutables. Rappelons que M. Et. s'en est occupé dans la Revue des Deux- Mondes (juil.-sept. 1903 et 1908), M. Allier dans la Revue de Paris du 1er sept. 1900r et dans son livre : La (compagnie du Très Saint - Sacrement, M. Boudhors dans V Enseignement secondaire de 1903, etc; que dès 1888 le R. P. Charles Clair. S. J., avait essaye en vain d'attirer l'attention des érudits « sur cette société, si
UllRONIQUti L1TTÉHA1HE
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jalouse, et à juste litre, de son extrordinaire secret »; enlin que le II. P. dom Beauehet-Filleau et M. G. Guigne, archiviste du Rhône, publieront bientôt des documents sur les groupes de Paris et Marseille, comme le fait précisément M. Il, dans la brochure que nous voulons signaler ici (1).
Elle apporte un complément d'informations considérable à ces Annales de René II de Voyer d'Argenson, publiées en 1900 et qui jusqu'à présent 'étaient le seul document imprimé, de quelque étendue, sur une Société dont le rôle a été capital dans l'histoire religieuse de notre xvne siècle » et dont les « précautions destruc- trices » ont laissé échapper si peu de papiers. Ceux que M. K. révèle comprennent : 1° 58 lettres adressées par le supérieur et le directeur de la Compagnie de Paris à ceux de Marseille (décès de confrères et nouvelles spirituelles ou charitables) ; — 2°89 circu- laires imprimées, expédiées de 1645 à 1658 également de Paris à Marseille, sorte de faire-part de décès, « qui, du reste, portent assez souvent dans leurs marges des additions manuscrites » rela- tives soit aux mêmes nouvelles que dans les lettres, soit, « surtout dans les derniers temps » aux dangers menaçant l'existence de la Société. Ces documents confirment la relation de Voyer d'Ar- genson, mettent hors de doute « l'existence, conjecturée par M. Allier, d'une Compagnie de Brive », font remonter de quelques années la fondation de celles de Grenoble et de Montpellier, mais surtout nous donnent une foule de noms propres, classés dans l'Index alphabétique à la tin de la brochure, et qui « nous appren- dront à quelles entreprises d'intérêt local des membres ont été mêlés — en d'autres ternies la Compagnie elle-même, puisqu'elle n'intervenait jamais en corps ». 11 faut donc savoir gré à M. II. de nous avoir fourni cette utile contribution (2).
Tu. Scii.
Henriette de Coligny (Madame delà Suze)
M. Magne, dont nous avons déjà signalé ici l'étude sur Scarron et son milieu, consacre à une arrière-petite-lille de l'amiral de Coligny le 2e vol.de sa série des Femmes galantes du XVIIe siècle. Que vient faire lenom de Coligny dans cette triste galerie? L'amiral n'aurait eu nul lieu d'être lier de ses descendants. Déjà le père de la précieuse qui nous occupe, Gaspard III, maréchal-duc de Chà-
(1) La Compagnie secrète du Saint-Sacrement. Lettres du groupe parisien au groupe marseillais, 1639-1662. Champion, 1908, 129 p., 3 fr. .r>0.
(2) L'Appendice 11 nous apprend que le groupe de Marseille ne fut point fondé, comme on le croyait, par l'évêque de cette ville, François de Loménie, mort dès le 27 février 1639, mais par l'évêque de Grasse, Antoine Godeau, et autorisée, le 8 mars, par le vicaire-général, Louis Gantes, qui conserva son poste sous le successeur de Loménie.
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tillon, prend un air bien piteux sous la plume de M. Magne, dont le style gouailleur, frivole et persifleur (1) augmente encore la gêne que Ton éprouve en présence de personnages si peu dignes de leur nom. Aussi éprouve-t-on une sorte de soulagement à voir Mmo de la Suze faire, dès le 50 juillet 1653, en l'église des Billettes et soutenue par la reine et par Gaston d'Orléans (p. 83), ce que fera bienlôt après cette autre contemporaine, plus illustre encore et qui ternit et gaspilla un plus grand héritage de gloire, Clirisiino. de Suèdp, dont les Lettres secrètes contiennent ces lignes piquantes et vraies même si elles devaient n'être pas authentiques : « La charmante comtesse de la Suze vient de mourir en chantant (2). Ce bel espiit femelle aimait tant la joie et les plaisirs qu'en peu d'années tout son bien fut dissipé, et elle mourut fort à propos, n'ayant plus rien à manger » (p. 255, n° 3).
Elle n'appartient donc au prolestantisme que par des liens fort lâches qu'elle a fini par dénouer elle-même, ce qu'il n'y a pas lieu de regretter, et nous n'avons à la mentionner ici qu'à cause de son aïeul. Disons seulement que sa mère était Anne de Polignac, qu'elle fut reçue à l'hôtel de Rambouillet à 12 ans, avec sa sœur Anne (3) et la Mlle du prince de Condé, épousa le 9 août 1643, à Chalillon- sur-Loing, Thomas Hamilton, comte d'Hadington, enlevé bientôt par la phtisie, puis, le 26 juin 1647, Gaspard de Champagne, comte de la Suze, qui l'emmena d'abord dans sondomaine de Bel- fort, mais avec lequel elle ne tarda pas à se brouiller et dont elle se sépara définitivement par divorce en 1661 (4).
En somme M. M. nous raconte une histoire assez peuédifiante en elle-mAme, mais qui le devient moins encore parle ton de son récit. Au reste son livre (5) témoigne d'une réelle érudition et d'une documentation consciencieuse ; un Index alphabétique des noms propies permetde s'y retrouver aisément, on y trouvera aussi des détails précis sur les deux frères de l'héroïne et sur la destinée
(1) Il semble s évertuer à donner raison aux lignes cruelles de M. Faguel : « Le Français a une manie, qui est de rougir de la moralité et d'être un fan- faron de vices. La France est le seul pays du monde où la chasteté soit un ridicule », etc. Tout le chapitre auquel ces lignes sont empruntées p. 45 de L'irréligion nationale, début de L'anticléricalisme) est à méditer; il ne donne qu'un côté de la question, mais ce côté — le [dus en vue. hélas — est tracé avec une vérité saisissante, qui éclaire toute notre histoire religieuse. Voir notamment la p. 6, sur nos guerres de religion.
(2) 9 mars 1613, âgée de 55 ans.
(3) Qui épousera, le 28 mars 1648, le duc Georges de Wurtemberg et habi- tera llorbourg et Riquevihr.
(ii 11 se remaria en 1G61 à Louise de Clermont-Gallerande. cousine ger- maine de sa première femme.
(5) Madame de Suze Henriette de Coligny) et la Société précieuse. Docu- ments inédits. Portrait inédit d'après Daniel du Monstier. Bibliographie des recueils La Suze-Pellisson. In-i8, Société du Mercure de France. 1908, 331 p. 3 fr. 50.
CORRESPONDANCE
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des biens de famille. Enfin un précieux Appendice donne, entre autres pièces curieuses, le contrai du premier mariage, les actes du divorce, le signalement des pièces inédites (aux Archives Nationales) relatives a la Famille directe de Mm0 de la Suze, et la table de ses poésies (1). Tu. Scu
, • CORRESPONDANCE
Deux commémorations. — Marseille et Paris. — M. le pasteur Edgar de Vernejoul, appelé naguère à la direction de l'Eglise chré- tienne réformée de Marseille a eu l'heureuse idée de consacrer la première fête de la Information qu'il célébrait dans cette ville, au souvenir des galériens huguenots, à peu près totalement igno- rés jusqu'alors de leurs coreligionnaires des xixe et xxe siècles. Après une conférence donnée dans le temple de la rue Paradis, 183, le samedi soir 7 novembre, par notre collaborateur, M. P. Fonbrune-Berbinau, sur Les forçats pour la Foi et V Eglise protes- tante de Marseille après la /{évocation, et, à la suite de la prédi- cation du lendemain, par le même, sur l'esprit de la Réforme, une plaque commémorative, placée en avant du chœur et à droite de la chaire, a été inaugurée, avec cette inscription :
A LA MÉMOIRE DES FORÇATS POUR LA FOI OUI ONT SOUFFERT EN HÉROS SUR LES GALÈRES, LES PROTESTANTS DE MARSEILLE. Novembre 1908.
« Nous sommes environnés d'une grande nuée de témoins » (2>.
Nous félicitons M. de Vernejoul de son initiative et lui souhai- tons des imitateurs. Il n'y a, en effet, guère d'Eglise protestante qui ne puisse trouver, dans son passé, un souvenir du même genre, digne d'être évoqué et perpétué.
A Paris les protestants de l'Eglise luthérienne et leurs amis furent convoqués au temple de la Rédemption le 29 novembre 1908. Ils étaient invités à y commémorer le premier centenaire de la constitution officielle de leur Eglise, obtenue en 1808, après deux années de démarches d'un consistoire officieux, grâce à une péti- tion de ce corps transmise à Napoléon Ier par le général Walther. Cette pétition aboutit à deux décrets, du 20 juillet et du 11 août 1^08, autorisant la ville de Paris à acquérir l'église el le couvent
(1) L'épisode du pasteur Bruguier, à Lumigny (p. 65) demanderait à être éclairci autrement que par de simples insinuations.
(2) Voir la Vie Nouvelle du 29 novembre 1908.
CORRESPONDANCE
des Carmes-Billeltcs el instituant à Paris une Église consistoriale luthérienne avec deux pasteurs affectés à ce lieu de culle et pla- placés sur le même pied que leurs collègues réformés. Ces deux premiers pasteurs furent MM. Georges Boissard et .1. J. Goepp et l'inauguration des Billettes eut lieu le dimanche 2b' novembre 1809. La commémoration de celte date et des événements multi- ples qu'elle rappelait fut à la fois enthousiaste et solennelle. — Le souvenir en esl conservé dans une brochure de 56 p. in-8°-, Centenaire de l'Eglise luthérienne de Paris, renfermant la descrip- tion de la Fêle et le texte des discours qui y furent prononcés. — et dans un volume de 180 pages in-8° abondamment illustré, inti- tulé : Un centenaire. V Eglise ëvangêliqiie luthérienne de Paris, 1 8 08- 19C8. Notice historique suivie de Notes el Documents par Aug. Weber, inspecteur ecclésiastique et président dn Consistoire. Cette notice, écrite d'après les documents originaux, est le développe- ment, encore sommaire, mais précis et complet, des événements que M. Weber n'a pu qu'énumérer dans sa prédication du 29 novembre. Nous le remercions pour notre part de nous donner ce sou venir durable d'une te te et de beaucoup d'événements dont la mémoire aurait eu, sans lui, le même sort que beaucoup de faits qu'on regrette de ne plus pouvoir rappeler. N. W.
Les Huguenots au sud de l'Afrique.
A M. Ic président de la Société de l'Histoire du Protestantisme français. A bord de l'Armadale Castle, le 11 janvier 1909 (au large de Té- nériffe).
Nous revenons, mon ami M. le pasteur Frédéric Dumas et moi, du su 1 de l'Afrique, où le Comité des Missions nous a envoyés le représenter au Jubilé de la missiondu Lessouto. Celte entreprise d'apostolat, dont la beauté et la solidité nous ont vivement frappés, a été fondée, il y a soixante-quinze ans, par trois jeunes Huguenots; un méridional, M. Arbousset, un Béarnais, M. Casalis, et un Picard, M. Gossellin. Le protestantisme français, dont votre Société recherche, écrit et conserve si jalousement l'histoire, a signé là un de ses chefs-d'œuvre les plus remarquables.
On ne l'ignore nulle part dans l'Afrique australe, où l'influence de la mission du Lessouto s'étend bien au delà des frontières géo- graphiques du Basutoland. Dans toute la colonie d'Orange, en plu- sieurs provinces de celles du Cap et du Natal et jusque dans les grandes villes ouïes centres miniers du Transvaal, des milliers de noirs se glorifient d'appartenir à l'Église Forax c'est-à-dire, à l'église française. Et les témoignages qui nous ont été apportés à Morija par les représentants autorisés de toutes les Eglises et de toutes les missions protestantes sud-africaines, nous ont montré que cette Église y jouit d'une considération très particulière.
nOKRESPONDANCIS
Mais, bien avant d'être représenté, dans celte région éloignée du globe, par la mission du Lessouto, le protestantisme français y avait déjà conquis une place d'honneur.
Dans les premières années du xvme siècle, les Huguenots de France, vous le savez, Monsieur, entrèrent pour une forte propor- tion dans la composition de cotte race vigoureuse et prolifique des Boers, qui a si longtemps tenu en balance la nation anglaise. Vain- cus enfin, après, une lutte héroïque de part et d'autre, les Boers semblent prendre aujourd'hui leur revanche en restant l'élément dominant de la populaiion blanche, du Cap au Zambèze. Ce sont les fils de Boërs qui exerceront demain l'influence prépondérante, au sein de ces États-Unis sud-africains qui sont en train de se constituer. Or il est impossible de passer, comme nous venons de le faire, deux mois au sud de l'Afrique, sans être frappé de l'impor- tance exceptionnelle de l'apport français dans le mélange do sang d'où va sortir une nationalité nouvelle.
Le lendemain de notre débarquement au Cap, nous allions visiter, dans la ville voisine de Wellington, le « Huguenot Semi- nary, » ou grand collège déjeunes filles fondé d'après les méthodes américaines. Le nom que porte cette splendide institution montre assez sous le patronage de quels souvenirs ses créateurs ont voulu la placer. Sur la ligne du chemin de fer, la gare de Welling- ton est précédée de la station de Huguenot ( toujours la môme hantise) et suivie de celle de Malan, un nom bien connuen France et fort répandu aujourd'hui en Afrique. Un peu avant se trouve la bifurcation pour le French Hoek, ou coin français, jadis coloni- sé par nos compatriotes qui y importèrent , en particulier, la cul- ture de la vigne. Le cocher qui nous a conduits de la gare de Wel- lington au collège s'appelait Théron : lui aussi descendait de réfugiés. Au reste, les noms français abondent dans toute celte région: Joubert, Dutoit, Duplessis et tant d'autres. Le plus com- mun est le nom de de Villiers. Ils étaient trois frères de Villiers, • partis de la Rochelle, qui débarquèrent au Cap de Bonne-Espé- rance il y a deux cents ans : aujourd'hui leurs descendants sont plus de 2.000. L'un d'eux occupe la plus haute situation dans la magistrature sud-africaine et préside la Convention qui prépare l'unification politique du pays.
Un très grand nombre des 500 jeunes filles qui étudient à Wellington portent des noms familiers à nos oreilles : celles même qui ont des noms hollandaisou anglais ont souvent reçu du sang français de leur ascendance maternelle. Si bien que M. Dumas, peliî-fils, lui aussi, de réfugiés, a pu s'étonner et se réjouir, en parlant à cette belle et saine jeunesse, de ce qu'il retrouvait sur le sol africain un si grand nombre de lointaines cousines.
De Wellington, nous avons gagné Blœmfontein en 34 heures de chemin de fer. Dans notre wagon est monté un Boer dePrieska
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CORRESPONDANCE
ville située sur l'Orange, au bord de la colonie du Cap. Nous lions conversation. Lui aussi se glorifie d'être iils de Français : il s'ap- pelle Grové, et nous t'ait observer que son nom prend un accent aigu, ce qui est un signe de son origine.
Plus récemment, en revenant du Lessouto, nous nous sommes trouvés, sur la même route, avec un autre compagnon de voyage établi aujourd'hui dans la colonie allemande du sud-ouest africain. Lui aussi était un Boer descendant do réfugiés huguenots. Il s'ap- pelait Leriche et savait que ses ancêtres étaient venus de Marseille.
Et tous ces braves gens, qui ne connaissent pas unmot de notre angue, dont beaucoup ne savent même pas prononcer correcte- ment leur nom, parlent de leur origine comme d'un titre de gloire.
Pénétrés de l'importance de l'élément huguenot dans lasociété sud-africaine, nous aurions voulu, M. Dumas et moi, employerles longues heures de loisir que nous allions trouver sur le paquebot à nous mettre mieux an courant de celte histoire. Nous avons demandé, au Cap, dans deux ou trois grandes librairies s'il y avait en anglais, un ouvrage quelconque qui la racontât et qui s'y rap- portât plus ou moins directement. La réponse a été partout néga- tive. On a bien ajouté que le sujet avait été traité en hollandais, mais sans nous donner le titre précis d'un volume (1). Au reste, nous ne lisons le hollandais ni l'un ni l'autre.
Ne pensez-vous pas, cher Monsieur, que nous aurions, nous Français, à faire revivre cette page de notre histoire? Il faudrait pour cela, aller puiser aux sources manuscrites qui subsistent encore au Sud de l'Afrique. On trouverait, dans les archives du Cap (et peut-être dans celles de la Haye) quelques documents sur cette poignée de protestants français que la Hollande envoya colo- niser sa nouvelle conquête et qui y sont devenus tout un peuple. Mais il faudrait aller plus loin, visiter les Boers jusque dans leurs fermes et y consulter leurs papiers de famille. Tous ceux que nous avons interrogés nous ont dit qu'ils en possédaient. Ils les gardent comme des reliques, mais sont incapables de les lire. Et sans doute ils ne les garderont pas indéfiniment. Combien de ces papiers doi- vent avoir déjà disparu depuis que, en 1829, ces trois premiers envoyés de la Société des Missions, MM. Bisseux, Lemue et Rolland arrivèrent au Coin français? Vous n'ignorez pas que l'un d'eux, Bisseux, y fut retenu par les descendants des Réfugiés et devint leur pasteur, dans la ValléeduCharron. Il est mort en 1896, à 88 ans.
Peut-être pourrait-on provoquer, parmi les plus instruits de ces
(1) Voici, outre ce qui a paru dans le Bulletin^ entre antres en 1.SS2 (p. '«OS 423), une note que j'ai relevée il y a quelque temps : C. Spoelstra; Bouwsloflen voor de geschiedenis der nederdui/sch —gere/'onneade Kerktnin ZuU-Africa . 2 vol. in 8° Kaapstad, Dusseau. (Matériaux pour l'histoire des Eglises hollan- daises de l'Afrique méridionale — on remarquera que le nom de L'éditeur est aussi un nom français.) Red,
NECROLOGIE
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arrière-petits-fils de Français, la fondai ion d'une Société d'histoire huguenote qui publierait un Bulletin, en hollandais on en anglais.
Mais je préférerais de beaucoup voir un jeune Français, un étudiant en théologie, un candidat à l'agrégation d'histoire ou un élève de l'école des Chartes se rendre sur place et entreprendre ce pieux travail.
Il y a une quinzaine de jours, nous avions le plaisir d'être reçus à Johannesburg chez le Consul général de France, noire très sympathique et érudit coreligionnaire, M. Abel Chevalley. Il nous a lui-même signalé ce sujet d'étude comme digne d'attirer l'atten- tion d'un jeune historien protestant. Il y aurait à dresser la liste des familles qui ont émigré au cap de Bonne Espérance, il y a deux cents ans, à rechercher ce que sont devenus leurs descen- dants, quelle proportion ils représentent aujourd'hui dans la colo- nisation blanche, quelles situations ils occupent. Puis on cher- cherait à élucider ce problème historique : comment se fait-il qu'au bout de si peu d'années, le français soit devenu complètement in- connu aux petits-lils des réfugiés? Nous savons que la prédication en français a été interdite à partir de 1730, et que le gouverneur hollandais Van der Stoel a pris pour proscrire notre langue des me- sures dignes d'un ministre de Louis XIV. Mais pourquoi celte politique de rigueur! Et comment expliquer son succès si rapide et si complet?
Il m'a semblé, cher Monsieur, que la Société de l'histoire du protestantisme français était toute désignée pour s'occuper de cette intéressante question et qu'elle pourrait, tout au moins, la proposer à l'étude des lecteurs de son Bulletin.
Votre tout dévoué. Jean Bianquis.
NÉCROLOGIE
Emil Egli.
En 1902, à l'occasion de son cinquantenaire, notre Société s'adjoignit, outre le président de la Société d'Histoire et d' Archéo- logie de Genève, sept membres honoraires qui, à des litres divers, avaient contribué à mieux faire connaître ou apprécier notre his- toire. De ces sept membres trois, savoir MM. Endlio Comba, Ernest Slxoeklin et Henri Guyot nous furent ravis en 190i, 1907, et 1908. Nous venons de perdre le 31 décembre 1908, M. Emil Rgli, profes- seur d'histoire ecclésiastique à Zurich. C'était un des historiens protestants les plus remarquables à la fois et les plus modestes. L'histoire si complexe, de la Réforme, désormais trop vaste pour être embrassée par un seul homme, est, en effet, enlrain de se renouveler complètement, grâce aux recherches approfondies entreprises dans les divers pays où elle joua un rôle prépondérant.
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NÉCROLOGIE
Pasteur à Cappcl, puis à Àussersihl avant d'être appelé à Zurich comme professeur, Rmil Egli s'attacha à l'étude du mou- vement que symbolise la personnalité encore imparfaitement appréciée d'Ulrich Zwingli. Son premier travail, Die Schlacht von Cappcl date de 1873. 11 fut suivi d'une série d'autres parmi lesquels nous ne rappellerons que Die Zuricher Wiederlaùfer (1878); A ktensammlung zur Geschichte der Zuricher Reformation (1880); Luther und Zwingli in Marburg (1884); Die Sanct-<ialb>r, Taùfer (1887), etc. Ce n'étaient là que des travaux préparatoires pour une nouvelle édition, critique et complète, des œuvres de Zwingli. Dans le but de déblayer le terrain, d'élucider une quan- tité de questions de détail et, en même temps, d'intéresser le public cultivé, il fit paraître deux fois par an, à partir de 1897, un périodique admirablement rédigé et illustré. A côté de ces Zwingliana, deux fascicules, Analecta reformatoria ( 1899), recueil- laient des études plus étendues sur des personnages secondaires. C'est en 1904 que parurent les premiers fascicules de Huldreich Zwinglis Sammtlichc Werke dont il rédigeait les introductions his- toriques. Le deuxième volume renfermant les écrits de Zwingli jusqu'en oclobrc 1523 venait de paraître et devait être suivi d'un ou même deux volumes de Correspondance, lorsque la mort ter- rassa la cheville ouvrière de cette difficile entreprise et émut douloureusement tous ceux qui avaient appris à connaître la grande valeur de l'homme et du savant. M. Ëmil Egli n'avait que soixante et un ans, niais son nom sera inséparable du héros qu'il aura contribué à mettre en pleine lumière.
11 nous faut mentionner aussi, parmi ceux de nos amis qui nous ont quittés à la fin de 1908, d'abord M. le pasteur et profes- seur Edmond Stapfer, qui bien que ne faisant pas partie de notre Comité, s'intéressait à nos études (1), et était avant tout un his- torien passionnément épris de vérité. Il est mort, à soixante-trois ans, le 13 décembre, entouré du respect et des regrets unanimes de ceux qui furent en contact avec lui.
Le même jour mourait à Londres, à quatre-vingt-cinq ans, un des membres de la Huguenot Society, aiusi que de la nôtre, M. W. Morris Beaufort, héritier d'un nom illustre dans l'histoire du llefuge (son père était l'amiral sir Francis Beaufort); — et cinq jours plus tard, le 18 décembre, nos collègues perdaient leur secrétaire honoraire, M.Reginald Stanley Faber un des fondateurs et des membres les plus dévoués de leur Société. 11 est parti à soixante ans seulement, entouré des regrets attristés de tous ceux qui s'étaient attachés à cette nature d'élite. N, W.
(1) Voy. sa plaquette Le Château de ïalcy. 1888.
Le Garant : Fisgiibacber.
Études historiques
LES RÉFUGIÉS FRANÇAIS EN SUISSE, DE 1693 A 1699 ET LA CONVENTION ENTRE BERNE ET LES CANTONS ÉVANGÉLIQUES
1
La grande émigration des réformés français, qui, lors de la révocation de FÉdit de Nantes, abandonnèrent leur patrie pour cause de religion, ressemblait à un fleuve qui, pendant de longues années, ne cesse de couler.
La Suisse, proche voisine de la France, en fut la pre- mière envahie. A peine entrés sur son territoire, les réfu- giés, délivrés de l'oppression sous laquelle ils avaient gémi si longtemps, se sentaient libres et heureux. Mais l'espace était restreint, le pays pauvre, dépourvu des industries qui devaient l'enrichir plus tard. Ses chétives récoltes ne lui permettaient pas d'entretenir un surcroît aussi considérable de population, surtout dans les années 1690 à 1700, où sévit la disette de blé. 11 était difficile d'obtenir des approvisionnemenls de l'étranger; la France y mettait du mauvais vouloir et la guerre, des entraves. Les cantons réformés ne formaient que la moitié de la Confédération helvétique, et les cantons catholiques n'ad- mettaient pas chez eux des exilés protestants.
Zurich, Berne, Baie, Schaffhouse, St-Gall, et à un moindre degré la partie réformée des cantons de Glaris, Appenzell (Bhodes Extérieures), Grisons (les Lignes Grises) , les villes de Bienne et de YVinterthur, et même celle de Mulhouse fournirent seuls les subsides énormes que né- cessita cette invasion pacifique.
Mars- Avril 1009. 7
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SOCIÉTÉ DE L'HISTOIRE
du
Protestantisme Français
Reconnue d'utilité publique par Décret du 13 juillet 1§70
Bulletin
PARAISSANT TOUS LES DEUX MOIS
E tildes, Documents, C hronique littéraire
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Mats-Avril 1909
PARIS
Au Siège de la Société, 54, rue des Saints-Pcrcs
LIBRAIRIE FISCHBACHER (Société anonyme;
33, rue de Seine, 33
v 1 Q09
ÉTUDES HISTORIQUES.
Mmc Alexandre de Chambrier. — Les Réfugiés français en Suisse, de 1693 à 1699 et la Convention entre Berne et les cantons évangéliques. 97
Mené Petieï. — Les Sainte-Hermine, cousins de Madame de Maintenon. . . . . . 127
DOCUMENTS.
R. Fromage. — Poésies inédites de Clément Marot. (Sermon notable 'pour le jour de la dédicace) . 129
J. Caullery. — Notes sur Samuel Chappuzeau (Contribution au Dictionnaire de Moreri; les Frayeurs de Crispin). . : 141
MÉLANNES. '
II. Dannreuther. — La confession des péchés de la liturgie des Eglises réformées de France, dans un livre de piété catholique. . . ... . . ............ lo8
Le Protestantisme dans le Poitou, l'Aunis et la Saintonge
au milieu du XVIIIe siècle. . 1G2
E. Griselle. — Avant et après la Révocation de l'Édit de Nantes, Chronique des événements relatifs au Protestantisme, de 1682 à 1687 (19 janvier — 16 février 1086) . . . . . 165
Séances du Comité. — 9 février '1909. . 177
CHRONIQUE LITTÉRAIRE.
II. Schoell. — Une paroisse parisienne avant la Révolution (Saint-Marcel) ...... . . . . .. . . 178
N. Weiss. — Portraits de Madame de Maintenon. — Un nou- veau portrait de Coligny . . . . 179
CORRESPONDANCE.
F. de Schickler et A. Meyer. — Coligny et. le journal le a Gaulois » 185
D. Benoit. — Pierre Lorient .. . ..... ... . . 186
E. Ritter et N. W. — Mariage à la (xauminC 186
E. Jalla. — D'Amouin de Ladevèze 188
Fr. Pua ux. — XJn faux en citation . . 188
A. Beaujour. — Le forçat pour la foi, Salomon liourgel. . 189
R. Garreta. — Girard de Saint-Amant. Son origine 191
N. W. — Jean Cousin . . . , .' . 192
ILLUSTRATIONS.
Portraits de Madame de Maintenon d'après Elle Ferdinand et Vetitot 181-182
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Études historiques
LES RÉFUGIES FRANÇAIS EN SUISSE, OE 1693 A 1889 ET LA CONVENTION ENTRE BERNE ET LES CANTONS ÉVANGÉLIQUES
I
La grande émigration des réformés français, qui, lors de la révocation de i'Edit de Nantes, abandonnèrent leur patrie pour cause de religion, ressemblait à un fleuve qui, pendant de longues années, ne cesse de couler.
La Suisse, proche voisine de la France, en fut la pre- mière envahie» A peine entrés sur son territoire, les réfu- giés, délivrés de l'oppression sous laquelle ils avaient gémi si longtemps, se sentaient libres et heureux. Mais l'espace était restreint, le pays pauvre, dépourvu des industries qui devaient l'enrichir plus tard. Ses chétives récoltes ne lui permettaient pas d'entretenir un surcroît aussi considérable de population, surtout dans les années 1690 à 1700, où sévit la disette de blé. Il était difficile d'obtenir des approvisionnements de l'étranger; la France y mettait du mauvais vouloir et la guerre, des entraves. Les cantons réformés ne formaient que la moitié de la Confédération helvétique, et les cantons catholiques n'ad- mettaient pas chez eux des exilés protestants.
Zurich, Berne, Baie, Schaffhouse, St-Gall, et à un moindre degré la partie réformée des cantons de Glaris, Appenzell (Rhodes Extérieures), Grisons (les Lignes Grises), les villes de Bienne et de Winterthur, et même celle de Mulhouse fournirent seuls les subsides énormes que, né- cessita cette invasion pacifique.
Mars-Avril 1009. 7
ÉTl ' I ) KS 1 1 1 SÏO R [Q U KS
Nous ne parlons pas de Genève et de Neucliâtel, qui ne faisaient pas encore partie intégrante de la Confédé- ration. Ces Etats firent largement leur devoir vis-à-vis des réfugiés, quoiqu'ils fussent dans des conditions diffé- rentes, et souvent plus difficiles que celles de la Suisse.
Ce Ilot d'émigrés, arrivant sans interruption de la ' France, des vallées Yaudoises, et plus tard de la princi- pauté d'Orange, obligea la Suisse à leur chercher des retraites dans les pays protestants du nord de l'Europe, puisqu'elle ne pouvait leur offrir qu'un asile temporaire. Les réfugiés aussi y travaillèrent avec zèle.
De là, les trois députations successives, organisées dans ce but : celle de Brousson et de La Porte, en 1685, celle de Henri de Mirmand et du ministre Bernard, en 1688, celle de Rocliegude et de La Grivelière, en 1698. Et comme les deux premières ne réussirent que partielle- ment, les chefs du Refuge : Henri de Mirmand, Lord Gal- way (autrefois marquis de Ruvigny), le marquis d'Arzeliers et d'autres furent amenés à former un vaste « Projet de Colonisation en Irlande », auquel Guillaume III et les Lords du Conseil d'Angleterre donnèrent leur assenti- ment et leur appui.
Après la conquête de l'Irlande qui dévasta ce pays, il s'agissait de le repeupler, et on pensa à le faire par le moyen de nombreuses colonies françaises, établies de proche en proche, afin d'y installer les émigrés en corps de nation .
Il s'en fallut de peu que ce projet aboutit. L'avenir de rirlande en aurait été transformé. Malheureusement, les énormes frais de la guerre de la coalition empêchèreul Je roi d'Angleterre d'y consacrer les fonds qu'il avait pro- mis pour la colonisation de l'Irlande, et le plan échoua. Guillaume III, après avoir adressé une première invitation officielle à six cents familles de réfugiés qui devaienl venir s'établir en Irlande, en L693, dut reprendre sa parole, et prier la Suisse de garder ses réfugiés jusqu'à nouvel ordre, en lui promettant l'envoi de 2000 livres I
(l) Voir pour toutes les réductions noire article sur r livaluation des jn-in-
ÉTUDES HISTORIQUES
sterling pour aider à l'entretien de ces exilés durant l'hiver suivant. Disons (oui de suite que cette somme, longtemps attendue, no fut jamais versée aux magistrats do la Suisse, ce dont nous avons trouvé la preuve certaine dans les lettres des ambassadeurs anglais, adressées à leur gouvernement (1).
Par ce fait, les cantons évangéliques se trouvèrent chargés d'environ dix milles réfugiés français, répartis entre eux. L'Etat de Berne, à lui seul, en avait à, peu près les deux tiers (6162). Il est vrai qu'il était le plus riche et le plus considérable de tous, avec ses pays sujets de Vaiuï et d'Argovie ; mais il était tout à fait décidé à renvoyer de ses terres les réfugiés, qui ne savaient où aller, et W ne consentit à les garder, que sur l'offre charitable que lui firent les autres cantons, de l'aider à les entretenir.
Baie, Zurich, Schaffhouse et Saint-Gall proposèrent d'abord de se charger de 2560 — réfugiés pauvres de Berne, tandis que cet Etat en garderai 1 2000 — pour sa pari . L'affaire était conclue, quand les exilés, apprenant qu'on allait les séparer de leurs coreligionnaires et les envoyer